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fondée par le P. de Condren et ses amis, la quasi-perfection d’une société spirituelle secrète.

Son souci prédominant et constant, c’est bien, d’abord, celui qui convient à un « Comité central, » à un Conseil supérieur et fondateur : c’est de maintenir entre les nombreux établissemens issus de lui le lien de la solidarité qui fait la force. Et de cette solidarité, elle trouve l’aliment, moins encore dans la confidence des projets d’action, que dans l’échange des sentimens mystiques. Admirablement, et très catholiquement, elle sent qu’il y a plus de sympathie et d’unanimité pour les croyans, et un ferment plus vif de piété bienfaisante, dans la méditation recueillie des « fins dernières » de l’homme, que dans l’effort vers l’avenir, où les volontés les meilleures, en convergeant, peuvent se choquer. De là l’importance qu’elle attribue à la transmission régulière des nouvelles de décès et à la demande de prières pour les défunts, importance qu’elle exprima avec onction, tant qu’elle en eut le loisir, dans les préambules de ces « lettres de faire part : »


Vous savez comme notre institut nous unit tous ensemble d’un même esprit et sacrement d’amour et de charité ; toutes les autres vertus commencent et finissent ici-bas, celle-là seule passe avec nous [hors] de cette vie, et nous accompagne en l’autre, et nous joint éternellement à Dieu. Ce qui nous oblige de nous entr’aimer tous, non seulement en ce monde, mais ceux mêmes encore qu’il plaît à la divine bonté de rappeler à soi…

L’union qu’il nous a donnée avec Lui n’étant pas du temps, mais de l’éternité, il est juste que nous la conservions après la mort et que nous ne considérions pas comme séparés de nos corps ceux d’entre nous que Dieu a détachés des liens de cette vie… Nous vous supplions d’entretenir, principalement par ce moyen, la liaison de nos Compagnies.


Mais, — et ici s’affirme la seconde des préoccupations maîtresses de la Société de Paris, — c’est elle qui voudrait se réserver l’entretien de ce « commerce » de prières et de cette fraternelle fusion des cœurs dans la pensée des disparus. « Vous nous adresserez, écrit-elle, les lettres (de décès) pour les faire tenir. » S’il lui paraît indispensable que toutes les Compagnies se sentent les membres fortement liés d’une grande armée chrétienne, il ne lui paraît pas moins nécessaire qu’elles se rappellent que cette armée a un chef à Paris. Autant que de la fraternité, c’est de l’unité qu’elle est gardienne. Et c’est pourquoi elle n’hésite pas à rappeler, fréquemment, à Marseille, non seulement les maximes générales et initiales de la Compagnie de Paris