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encore, comme pour les Missions, fut-ce preuve de sagesse. Dans la Marseille du XVIIe siècle, les mœurs étaient, comme dans tous les ports, très relâchées. Mais de les réformer n’était pas aisé. Lorsque ce saint évêque, J.-B. Gault, vint à Marseille, « parmi tout plein de pieux desseins qu’il proposa à son conseil, » — au rapport de son biographe, Marchetty, — « il témoigna que l’un de ses plus grands désirs était de remettre les dames de Marseille dans la modestie chrétienne, » et, en particulier, « de les obliger à ne paraître plus en public le sein découvert. » Seulement, quand il en parla à son « conseil, » — conseil où, comme nous le verrons, la Compagnie du Saint Sacrement était représentée, — les « opinions furent si partagées et si différentes qu’on n’en trouva point de remèdes. » « Hélas ! s’écria ce saint Père, est-ce possible ? » Et il écrivit, du moins, « contre le sein découvert des femmes » un beau sermon. Il mourut avant de l’avoir prononcé, et son biographe, contemporain et marseillais, avoue que la force de ses raisons n’eût pas pu, probablement, gagner quoi que ce fût sur une impudeur qui, à Marseille, était « comme un parti formé, » marchant « bannière levée. » — Voilà pourquoi, sans doute, nous ne voyons qu’en 1657 et 1662 seulement, la Compagnie de Marseille tenter de mettre un terme aux désordres que causait soit l’introduction des chaises dans les églises, soit « le libertinage des masques. »

Contre les protestans, il n’est pas impossible qu’elle ait été assez discrète. Elle se contente, semble-t-il, d’établir une maison de Propagation de la Foi, analogue à celle de Paris, pour servir d’asile aux filles languedociennes qui « désireraient se convertir. » Il n’y avait, à Marseille même, que peu de Réformés. Mais il y en avait à la campagne, et il est difficile de croire que la Compagnie se soit désintéressée des luttes que soutint, de 1647 à 1657, un gentilhomme ardent catholique, le sieur d’Aiguières, pour empêcher, dans sa seigneurie, l’exercice du culte réformé. Ce hobereau hardi résista par la force à l’exécution des arrêts de la Chambre de Grenoble favorables aux protestans ; il parvint à obtenir du Conseil du Roi des décisions contraires ; dans cette victoire catholique, les « mémoires » si « bons » que la Compagnie de Marseille fournit, raconte d’Argenson, à une date qu’il n’indique pas, ne furent-ils pas pour quelque chose ?

Ce qu’il y a de sûr, c’est que, pendant les vingt-trois années où sa correspondance nous le montre agissant, le groupe de