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aboutissant à un minimum tout à fait exempt d’impôt. On rappelle également quelques réformes juridiques d’une grande importance sociale : limitation du droit du créancier à faire saisir la propriété des salariés en cas de faillite, extension de l’enseignement gratuit et obligatoire, parfois avec repas gratuits, efforts pour ouvrir aux femmes l’accès du marché ouvrier, lutte contre la prostitution, l’alcoolisme et les autres maux sociaux, loi sur le repos hebdomadaire. La tendance de toutes ces réformes, assurément, est d’améliorer la condition des classes pauvres, de venir en aide aux déshérités dans la lutte pour l’existence, de contribuer au relèvement de leur standard of life, comme aussi de leur situation morale et intellectuelle. Le but poursuivi par cette « socialisation du droit » est l’établissement d’une protection législative des faibles ; c’est une politique sociale qui tend à un nivellement des inégalités économiques et qui ne se contente plus, comme la Révolution française, de réclamer « l’égalité devant la loi. » En présence de toutes ces réformes, les socialistes triomphent : ils y voient l’aube du futur collectivisme. En réalité, les mesures qui précèdent sont des réformes de justice réparative qui n’atteignent en rien les droits individuels, y compris le droit de propriété ; elles consacrent, au contraire, et les droits individuels et la propriété individuelle, en assurant l’individualité du pauvre contre les abus du riche ; elles lui permettent l’accès progressif à la propriété ; elles rétablissent pour tous les conditions normales du contrat social, le fonctionnement normal de l’organisme social. Elles sont l’individualisation du droit non moins que sa socialisation.

Le droit social et le droit individuel sont deux côtés du parallélogramme des forces ; la société doit suivre la diagonale sans prétendre supprimer aucune des forces composantes.


ALFRED FOUILLEE.