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la propriété des fruits de mon travail. Le droit à la subsistance est acheté au prix du droit pour tous de jouir du produit de leur travail, de le consommer ou de ne pas le consommer à leur gré et de la manière qui leur plaît. Tous les droits à, une fois remis aux mains de l’État-Providence, suppriment les droits de. On peut dire, d’une façon générale, que la déclaration socialiste des droits aboutit à annuler la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Elle est la restauration de l’ancien absolutisme sous la forme de la collectivité, qui est encore plus puissante et plus oppressive que la royauté. Toute protection qui n’a pas pour objet de protéger la liberté même de l’individu se traduit en servitude.

Outre la liberté des individus, celle des associations particulières entre individus est également menacée par l’empiétement de l’immense association collective, laquelle se substituera non seulement aux individus isolés, mais aux libres groupemens d’individus. La coopération forcée à l’œuvre collective remplacera la coopération volontaire à des œuvres librement choisies par des personnes ayant mêmes opinions et mêmes aspirations.

Nous avons droit à vivre sous la règle de la justice, qui est l’égale liberté pour tous ; voilà le véritable objet et l’article fondamental d’une déclaration de droits. La protection doit être accordée par la loi à ceux qui sont encore dans un état de minorité absolue ou relative, enfans, femmes, ouvriers même, dans une situation plus ou moins indigente ou insuffisante à l’exercice de leurs libertés ; mais cette protection doit avoir pour objet non pas de confisquer, mais de restituer les libertés et de réparer les torts subis. Elle est essentiellement provisoire et doit travailler à se rendre elle-même inutile, non à se généraliser jusqu’à l’absorption de l’individu dans la collectivité.

C’est le devoir de la société que de réparer, autant qu’il est en elle, les conséquences fâcheuses de ses propres lois, en tant qu’elles peuvent aboutir à laisser une partie de ses membres sans travail, ou sans rémunération suffisante de leur travail, ou sans moyens suffi sans d’existence. Mais ce devoir social est d’ordre moral. Au point de vue juridique, nous avons vu qu’il offre un caractère de généralité et d’indétermination, puisque c’est un devoir général envers la généralité des citoyens. Un individu isolé peut devenir objet du devoir moral et juridiquement général de la société ; mais ne devient pas pour cela sujet d’un droit