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œuvres de Lisieux et de Pont-l’Evêque pour nos soldats, nos blessés et nos prisonniers en Allemagne. Mon gendre Conrad est maire de notre commune et chef de bataillon de la Garde nationale de notre canton. J’ai à Paris ma fille Pauline, ma petite-fille Marie Verne et mes quatre fils, gendre Cornélis, petit-fils et petit gendre sur les remparts de Paris.

Le général Trochu n’a point de plus intelligens et plus courageux défenseurs. Si toutes les familles de France remplissaient leurs devoirs patriotiques et domestiques comme la mienne, les Prussiens ne resteraient pas longtemps en France. En sortiront-ils et comment ? Je n’ai jamais été moins prophète. Je reste optimiste, mais avec ignorance et anxiété. Je ne crois pas à la ruine durable de la France, mais son salut peut nous coûter bien cher. Quelle chute depuis 1848 !

Je ne vous dis rien de plus de notre situation. J’ai en effet écrit à mes amis en Angleterre quelques lettres que le Times a voulu publier ; nous sommes là en progrès évident. La Russie nous y aide ; mais la résistance héroïque et persévérante de Paris en a été la première cause. Ni en Angleterre, ni ailleurs, personne ne s’y attendait. L’imprévu agit toujours très puissamment sur les hommes.

Vous recevrez dans quelques jours quelques pages de moi sur la convocation d’une Assemblée nationale ; j’y mets quelque importance ; j’y parle très librement de toutes choses et de toutes les personnes. Je vous prie de prendre quelque soin pour la répandre ; mes lettres d’Angleterre n’ont pas été sans quelque utilité. Pourriez-vous me faire adresser votre Journal de Toulouse ? J’en serais bien aise. Je reçois plusieurs journaux de province, et j’en ai besoin pour sonder un peu l’état des esprits en France. Mais je n’ai du Midi que le Courrier du Gard, très insignifiant. Ma fille Henriette me charge de vous dire qu’elle a plusieurs fois donné de vos nouvelles à Paris et dit où et comment vous étiez ; mais elle n’est pas sûre du tout que ses lettres soient arrivées.

Adieu, mon cher confrère, mes affectueux respects à Mme de Lavergne, mes amitiés à Renouard et au Père Gratry.

Tout à vous