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surhumain effort, il la repoussa doucement, lui parla comme à une enfant irréfléchie, lui dit le remords qu’il aurait à se faire le complice d’une faiblesse passagère, à profiter, lâchement, d’un égarement momentané, lui vanta, sans insister, le discret bonheur d’une existence que le devoir ennoblirait, et déclara, pour finir, qu’il se refusait à la perdre en l’associant au déshonneur de sa folle vie débondée. Il l’avait, en lui parlant ainsi, entraînée vers l’antichambre ; il l’aida gentiment à réparer le désordre de sa toilette, puis lui dit adieu en lui serrant la main.

La porte s’était à peine refermée sur Giselle, que Le Hagre dont l’énergie, artificiellement tendue depuis trois jours, commençait de se débander, s’effondrait comme une masse inerte sur son divan. Il resta ainsi plusieurs heures, assoupi plutôt qu’endormi, ébauchant des rêves qui n’arrivaient pas à se préciser, et qui traînaient, informes, dans son ciel brouillé. Sitôt qu’il eut repris conscience de lui-même, un sentiment d’effroi le saisit à la pensée que tout était fini, et que néanmoins il fallait se reprendre à vivre. Certes, il ne regrettait rien de ce qu’il avait fait, — il devait même, deux mois plus tard, se féliciter hautement de sa perspicacité, en apprenant que cette femme, qu’il avait mise à la porte de chez lui, s’était échouée dans l’abjection, qu’Anderlot payait les notes de ses couturiers, et que Greslou lui dispensait généreusement le bonheur qu’il avait cru, lui, devoir lui refuser. — Mais vivre, s’agiter encore, espérer d’impossibles joies, ouvrir tout grands ses bras à la vie et n’embrasser que le néant, à quoi bon ! Oui, à quoi bon refaire toujours le chemin du songe à la déception ! Mais ce qui surtout affligeait Le Hagre, tandis qu’il examinait une à une ses illusions naufragées, c’était de penser que Sybille, dont il avait, — oh ! si imprudemment, — mêlé le souvenir à son roman, emportait elle-même, du honteux contact auquel il l’avait condamnée, une immortelle flétrissure. Il se disait que jamais plus elle ne viendrait le visiter dans sa détresse, ni poser sur son cœur meurtri la fleur moelleuse de son baiser. Le passé, le présent, tout sombrait dans l’affreux désastre, et se sentant soudain infiniment effroyablement seul, il éclata en sanglots.

Il éprouva quelque soulagement à sangloter ainsi sa douleur. Il s’occupa bientôt de la réprimer, ou plutôt d’en atténuer l’acuité en en faisant la pâture de son intelligence et le constant objet de ses méditations. Il mit son orgueil à la regarder en face,