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Ce sentiment est encore tel que, dans les grandes manœuvres, on ne voit que très exceptionnellement une troupe de cavalerie exécuter le combat à pied.

Comme la cavalerie cherche toujours l’occasion de charger et qu’elle ne la trouve pas, elle ne s’emploie pas. Généralement, après s’être rassemblée au trot, elle met pied à terre dans un pli de terrain où elle attend longuement.

Les rapports de ses reconnaissances l’amènent à gagner rapidement un autre abri où le même jeu recommence. Les cavaleries opposées se cherchent pour s’attaquer. Si elles se trouvent, ce qui n’arrive pas toujours, elles se chargent. Alors estimant avoir accompli toute leur tâche, la journée est finie. Il ne reste qu’à se rendre au cantonnement. Cette conception de l’emploi de la cavalerie suffit à condamner la doctrine. Avec une cavalerie exercée au combat à pied, son intervention pourrait souvent se produire dès le début, et elle ne risquerait plus d’encourir le reproche d’être restée inactive.

Comment notre cavalerie doit-elle être organisée en vue du combat à pied d’abord et de l’action à cheval ensuite ?

Il ne faut plus avoir qu’une seule sorte de cavalerie, dont les régimens ne se différencieront entre eux que par l’espèce des chevaux qui doivent être de même pied. Les dragons de Napoléon en seront le type.

Les treize régimens de cuirassiers doivent être supprimés. Ils seront remplacés par treize régimens de légère si les 9 000 chevaux devenus ainsi disponibles ne sont pas indispensables à l’artillerie dont l’augmentation est urgente. Les chevaux de cuirassiers serviront à atteler l’artillerie de cavalerie, qui doit être augmentée et à porter les mitrailleuses. Il faut revenir au chiffre de trois batteries par division. Avec nos chevaux de cuirassiers nous aurons l’artillerie légère la mieux attelée de toutes les armées. Les cuirassiers n’ont plus de raisons d’être. Ils n’ont été conservés jusqu’ici que grâce à notre sentimentalité irraisonnée. Les glorieuses légendes des charges héroïques les ont jusqu’ici préservés du licenciement. Mais il faut avoir le courage de le dire, par ce temps de mitrailleuses et de canon à tir rapide, ils ne seraient, en campagne, que de gros appétits à pourvoir. Les Allemands n’ont plus de cuirassiers. Quelques régimens portent encore ce nom par tradition : ils n’ont pas de cuirasses ; en réalité, ce sont des dragons. Les Autrichiens, les Italiens, les