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d’abord celle de l’ennemi, pour découvrir ce qui se passe derrière son rideau de protection. Elle s’efforcera de déborder les flancs et, en conséquence, laissera découvert le front de sa propre armée. Pour le couvrir, ne faudrait-il pas diviser les forces, c’est-à-dire faire précisément le contraire de ce qu’exige le service d’information ? Naturellement, cette manière de voir rencontre de l’opposition. Quelques chefs prétendent que l’art de la guerre consiste dans la solution simultanée des deux problèmes : information et protection. Il est inutile, disent-ils, de chercher une rencontre avec la cavalerie adverse. Les duels de cavalerie n’aboutissent qu’à une mutuelle destruction, sans profit.

Il est essentiel de maintenir le rideau tendu et d’assurer la sécurité sur le front. Si les circonstances obligent au combat, on se concentrera rapidement, mais aussitôt après, on s’étendra de nouveau pour couvrir l’armée. Le service de reconnaissance sera fait par des patrouilles avançant rapidement en évitant celles de l’ennemi. Elles gagneront des points d’observation favorables sur les flancs ou les derrières et atteindront ainsi leur but.

Le général von Bernardhi estime que c’est là une erreur de jugement. « Pour acquérir des avantages, dit-il, il faut se battre, la guerre ne permet pas de les escamoter. » Il ajoute : « En 1870-1871 aucune cavalerie ne gênait et cependant quelles difficultés n’avons-nous pas rencontrées pour obtenir de bonnes informations et pour les faire parvenir en temps utile aux quartiers généraux ! Que sera-ce donc dans l’avenir, si nous ne dominons pas le terrain entre les deux armées, et si la cavalerie ennemie tient la campagne aussi bien que nous ? Comment les patrouilles pourront-elles percer les rideaux ? Comment les rapports obligés de passer à travers un pays que la cavalerie de l’ennemi occupe, pourront-ils arriver à temps pour être utilisés ? La cavalerie de l’ennemi ne sera empêchée de percer notre rideau que si elle est battue. Il faut l’obliger à rentrer dans les lignes de son infanterie et lui inspirer une telle crainte qu’elle n’ose plus en sortir. »

La bataille de cavalerie est donc considérée comme nécessaire. Elle est prévue et désirée. Les troupes doivent être si familiarisées avec les formations requises pour leur emploi en masse, que ces formations deviennent pour elles une seconde nature. L’armement de toute la cavalerie avec la lance,