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partir au premier signal, pour détruire les chemins de fer, s’emparer des dépôts et des chevaux, brûler les magasins, et porter la consternation dans les zones de rassemblement. Il est incontestable qu’en cas de réussite un énorme préjudice pourrait être causé. Mais cette réussite est-elle probable ? Les pertes ne seraient-elles pas hors de proportion avec les résultats ? En choisissant son front de déploiement, l’adversaire aura sans doute pris ses précautions pour le couvrir. Ses troupes de garde à la frontière occuperont des points de passage reconnus d’avance. Le rideau ainsi formé sera très difficile à percer. Le danger sera d’autant plus grand que les populations des districts qui peuvent être envahis, auront été organisées et armées. Les chemins de fer, les défilés, les ponts seront défendus par de l’infanterie ou des volontaires. La cavalerie envahissante verra sa tâche rendue plus difficile d’heure en heure. Sa force diminuera, tandis que celle de l’adversaire augmentera. Et quelle difficulté pour se procurer des vivres ! La confusion se mettra dans ses trains qui ne peuvent se mouvoir rapidement. Si alors elle se heurte de front à des lignes d’infanterie pourvue d’artillerie, tandis que de la cavalerie apparaîtra sur ses flancs, elle sera forcée à la retraite. Elle rejoindra l’armée sans avoir fait besogne utile. Qu’est-ce, en effet, que quelques tronçons avancés de chemins de fer, quelques fils télégraphiques rompus, ou quelques magasins de première ligne détruits, par rapport aux pertes qu’elle aura probablement subies. D’autre part, si la cavalerie est accompagnée par de l’infanterie, elle se trouve encore plus embarrassée que par ses propres trains. Doit-elle régler ses mouvemens sur ceux de son escorte ? Il lui faut alors renoncer à tout espoir de résultats. En abandonnant son infanterie, elle la voue à une inévitable destruction. Tenir ouverts, derrière la cavalerie, quelques défilés essentiels, c’est tout ce que l’infanterie pourra faire, et ceci s’applique également aux troupes cyclistes. Certes, on ne peut nier le grand avantage que donne leur mobilité, mais elles dépendent trop du réseau routier, elles n’ont pas la liberté de mouvement indispensable pour opérer en liaison étroite avec la cavalerie. Ce qui est vrai pour des forces importantes l’est également pour les pointes d’officiers bien montés, hardiment jetés en avant du front. Eux aussi trouveront le pays tenu par la population armée, ou par des troupes gardant les chemins de fer, les défilés, etc.