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impénétrables, quelles ne pourront percer tant qu’elles s’obstineront à ne vouloir utiliser que l’arme blanche. La grande portée, l’invisibilité et la rapidité du tir ne permettent plus à la cavalerie de déchirer avec ses sabres les rideaux dont s’entoure l’adversaire et derrière lesquels il manœuvre. Malgré l’aide du canon, elle est actuellement impuissante. Elle ne peut rien reconnaître chez l’ennemi, mais seulement limiter le contour apparent de ses forces, indiquer l’étendue du front sur lequel on reçoit des coups de feu, ainsi que les points où l’ennemi n’a pas été rencontré à une certaine heure. Quant à déterminer la marche et la composition des colonnes, leurs dispositions et tous autres renseignemens que, dans les grandes manœuvres, les généraux ont l’habitude de lui demander, il n’y faut point songer. »

Dès 1902, l’emploi des rideaux a donc été prévu. Dans la Revue du 1er janvier 1903 (page 110), on insiste en ces termes : « En ce qui concerne l’exploration, il ne faut pas perdre de vue que la cavalerie est maintenant arrêtée par le feu à des distances où elle ne peut rien voir. Plus que par le passé, elle est exposée à tomber dans des embuscades. »

Qu’ont fait les Japonais ?

Un rapport français, daté de Lyao-Yang le 9 juillet 1904, dit : « Des détachemens mixtes de force variable forment autour de l’armée un réseau presque impénétrable à la cavalerie. Ils sont composés de 20 à 40 cavaliers, d’une demi-compagnie, une ou deux compagnies, suivant le cas. Ils sont parfois pourvus d’artillerie. Dans la région montagneuse du Yalou, les Japonais occupaient ainsi tous les cols et tous les chemins. Dans le Sud, au commencement du mois de juin, ils occupaient ainsi trente-six villages de Bitzévo à Polandiane, formant un rideau qui leur permit de dérober leurs mouvemens à la cavalerie russe et empêcha les reconnaissances de renseigner convenablement sur leurs forces. C’est ainsi que les effectifs japonais concentrés devant Vafangou le 14 juin ne purent être connus, et que le mouvement tournant en grandes forces et à grande distance, exécuté le 15 contre la droite russe, ne put être prévenu. C’est aussi derrière ce rideau que, peu de jours après, l’armée japonaise se déroba au sud de Gaïtchow. Les détachemens de cavalerie qui réussirent à passer à l’aller à travers les mailles du réseau, trouvaient au retour la route barrée et furent plus d’une fois cernés par l’infanterie et en très mauvaise posture