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qu’un belligérant ne pourrait à sa discrétion envoyer les bateaux neutres au fond de la mer et que les vivres à destination de la population pacifique ne seraient pas condamnés du chef de contrebande, nous pourrions hardiment signer, — et sans réserve, — la convention relative à la Cour. » Mais pourquoi cette appréhension vis-à-vis d’une Cour qui, formée d’une majorité de neutres, au lieu de relever la rigueur de la guerre, ne fera très probablement que l’adoucir ? Neutre, l’Angleterre profiterait de cette Cour, et, ne l’oublions pas, sa tendance actuelle est à la neutralité. Belligérante, elle n’entend ni couler les prises neutres, ni faire des ports neutres un usage qui pourrait mettre en question la validité de ses captures. Le seul risque qu’elle puisse courir est devoir sa notion du blocus écartée ; mais, depuis que la mine a fait son apparition, l’importance anglaise du blocus est très ébranlée, et l’on peut espérer que, se ravisant, l’Angleterre fera clairement voir à toutes les nations qu’en leur proposant une Cour des prises elle était vraiment sincère.

Enfin, si par impossible la Cour des Prises ne se formait pas, faudrait-il désespérer de l’avenir et croire qu’entre les nations le conflit de l’Intérêt et de l’Idéal éterniserait à jamais sa douloureuse persistance ? Grave problème où le principe même du droit des gens, de son avenir et de sa loi, repose. S’il fallait attendre, pour trouver le droit, que tous les intérêts se confondissent, il serait à redouter de voir indéfiniment se perpétuer l’attente. Pour hâter la venue de son règne, la justice trouve heureusement dans la science un précieux allié.

C’est une idée souvent émise que la guerre s’élimine elle-même par le progrès des inventions. Dans la civilisation de la guerre plus encore que dans sa suppression, la sélection mécanique opère.

L’article premier de la déclaration de Paris énonce : « La course est et demeure abolie. » Mais plus et mieux que par le droit des gens, la course est désavouée par les changemens intervenus dans la nature et les méthodes de la guerre maritime. Pour une guerre faite près de terre contre des vaisseaux ennemis traversant des eaux étroites et souvent forcés par le vent de serrer le rivage, un petit vaisseau quelconque, bateau de pêche ou barque, pouvait être improvisé corsaire ; contre les