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ils suivent le sentiment national, tandis que la Cour des prises irait contre lui. » Le 9 novembre, au Guildhall, le premier ministre promettait d’ajourner la signature jusqu’à la conclusion d’une convention complète et totale sur la guerre maritime, tandis que la Conférence de La Haye n’avait produit, en quelques points isolés, que des textes incomplets. Et, depuis, le discours du Trône en a fait la promesse formelle : annonçant même la prochaine convocation d’une conférence qui reprendrait à Londres, entre grandes puissances maritimes, l’œuvre ébauchée à La Haye entre puissances qui n’étaient ni toutes grandes ni toutes maritimes. Mais comment admettre que, sur le blocus ou les mines, une entente puisse actuellement intervenir ? La nouvelle formule « pas de Code, pas de Cour, » n’est qu’un ajournement à peine déguisé, l’insuffisant moyen par lequel la Grande-Bretagne essaie de reprendre la parole que tout auteur d’un projet donne d’avance à qui plus tard l’accepte. Serait-ce qu’à La Haye, la proposition de la Cour se liât pour l’Angleterre à la codification du droit ? — Mais, dès l’origine, dans les instructions des délégués britanniques, les deux questions de la Cour et du droit furent indépendantes, et c’est précisément parce que la guerre maritime ne paraissait pas mûre pour une codification que la proposition d’une Cour des prises, avec pouvoir de juger librement faute de droit certain, parut nécessaire. Les Anglais en conviennent : « Attendre une codification du droit des gens, dit Westlake, est impossible : ce serait incompatible avec l’attitude que nous avons prise à La Haye ; nous renverrions la Cour aux calendes grecques sans profiter des avantages que nous en pouvons attendre[1]. »

Pour l’accepter tout de suite, il suffirait, d’après Westlake, d’un amendement en vertu duquel, à défaut de droit conventionnel ou de règles généralement reconnues, la Cour ne pourrait jamais contredire un principe certain de la loi du capteur. Même ainsi limitée, la Cour des prises pourrait se constituer et contribuer aux progrès du droit, fixer par exemple le rayon dans lequel peut s’exercer le droit de visite, question où nulle loi, ni conventionnelle, ni nationale, ne s’est encore prononcée. Mais pourquoi s’en tenir là ? « Si nous étions sûrs, disait récemment Lawrence[2],

  1. Westlake, The Hague conference, dans la Quarterly Review, janvier 1908, p. 242.
  2. Conférence (non publiée) faite au War Course College, à Portsmouth, le 5 février 1908.