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côtes, souvent désertes, charger les neutres d’impossibles devoirs ? Au cours des hostilités russo-japonaises, alors que l’escadre de la Baltique n’eût pas atteint le détroit de Corée sans longs arrêts dans les eaux étrangères, l’hospitalité côtière offrit tous ces problèmes : temps du séjour, nombre des navires tolérés, ravitaillement par la rive ou par le large. Soulevées en pleine lutte, ces questions ne se posèrent pas sans inquiéter la paix du monde et, pour la première fois, les nations s’aperçurent qu’en raison des incertitudes de son droit, la mer était devenue pour les neutres une source imminente de guerre.

« Ce n’est pas le rêve de la paix perpétuelle qu’il s’agit de réaliser ; mais l’on s’approcherait des résultats qu’il annonce si l’on fixait le droit de la neutralité ;… le plus difficile serait un code maritime[1]. » Ecrites par Alexandre Ier à son ambassadeur à Londres pour négocier, en 1805, avec l’Angleterre une convention européenne, ces instructions expriment en 1906-1907 le sentiment général.

Ce n’est plus à l’Angleterre, ni même à l’Europe, c’est à plus de quarante nations, que la Russie propose d’étudier les problèmes fondamentaux de la belligérance et de la neutralité maritimes. Ayant subi l’épreuve des armes, elle ne pense plus au désarmement, à peine à l’arbitrage. Encore toute frémissante de guerre, elle demande qu’on discute les questions issues de sa condition particulière : éloignement de l’adversaire, manque de ports intermédiaires, fermeture des détroits. Après avoir franchi, comme navires marchands, le Bosphore et les Dardanelles, clos aux navires de guerre, les vaisseaux de la flotte volontaire, le Pétersbourg, le Smolensk pouvaient-ils arborer en haute mer le pavillon militaire ? Les croiseurs de Vladivostock pouvaient-ils couler leurs prises, mêmes neutres, et notamment le Knight Commander ? L’escadre de la Baltique pouvait-elle recevoir une hospitalité sans limite, et quant au séjour et quant au charbon ? Voilà, pour la Russie, les questions primordiales. Il est vrai que la Russie, qui convoque et préside les conférences, ne les dirige plus. Le Tsar avait eu la pensée de la première ; pour la seconde, il n’est que le metteur en scène : c’est le président Roosevelt qui la désire et qui l’inspire[2]. Mais précisément les

  1. De Martens, Traités et Conventions de la Russie, t. XI, p. 86.
  2. Pour les origines de la Conférence, voyez l’article de M. André Tardieu, dans la Revue du 15 juin 1907.