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1859


Val-Richer, 12 septembre 1859.

Je m’étonnais de n’avoir point de nouvelles de vous, mon cher confrère ; votre lettre du 29 août a donc été très bienvenue ; elle m’a trouvé entouré d’anciens amis au milieu desquels vous auriez été encore mieux venu vous-même.

Je suis charmé que mon discours académique vous ait plu[1].

Il a plu au public, sauf le prince Napoléon. Je l’avais à ma droite, essayant de ricaner à voix basse, quand j’ai parlé de l’armée. Son voisin, M. Élie de Beaumont, qui l’avait amené sur les bancs de l’Institut, l’a prié de le laisser écouter. Devant moi, au contraire, le maréchal Randon applaudissait avec une émotion visible, et au-dessus, dans une petite tribune, la princesse Clotilde écoutait ou plutôt regardait avec une curiosité naïve et gracieuse. Singulier public qui a le sommeil si profond et le réveil si vif ! A la vérité, il y a bien des publics, et j’avais là le meilleur. Nous sommes assez souvent du même avis sur les événemens présens. Nous l’avons été aussi cette fois sur l’avenir. Vous me dites que, pendant la guerre d’Italie, vous avez prophétisé la paix. En apprenant la bataille de Magenta, j’ai écrit à une personne de mes amis : « Encore une victoire pareille et je serai bien surpris si l’empereur N... ne se presse pas de faire sa retraite sur ce char de triomphe.» Le char de triomphe s’est un peu embourbé depuis, et ni vous, ni moi, ne prévoyons comment il sortira du bourbier. Il est difficile de jouer jusqu’au bout les deux cartes contraires. Je ne pense pas cependant que l’Empereur, même après le Moniteur de ces jours-ci, ait encore fait son choix définitif. Les Florentins et les Piémontais s’obstinent à se montrer contens, aussi bien que l’ambassadeur d’Autriche. Nous verrons qui rira, ou plutôt qui pleurera le dernier.


1860


Val-Richer, 19 juillet 1860.

Je vous suppose à Peyrusse, mon cher confrère, et c’est là que je vous écris. On ne passe guère à Vichy plus d’un mois, ce

  1. Discours de réception en réponse à Lacordaire.