sent bien pourtant, dans la facture, l’imitation orientale… Mais voici qu’on perd pied encore une fois devant le Sphinx et la colonne des danseuses, — celle-ci absolument imprévue, avec ses zones d’acanthes superposées et frisées, touffues comme les plus luxurians motifs de notre gothique flamboyant, — avec les trois figures de femmes qui la surmontent et dont les coiffures, des barrettes cylindriques et plissées, ne se ramènent à aucun type classique. Est-ce là encore de l’Orient ?… Et, si nous ne possédons plus la statue colossale d’Apollon qui s’élevait dans le grand temple, faut-il supposer qu’à Delphes, comme à Délos, elle était couronnée d’un diadème, habillée d’étoffes précieuses, parée de colliers, de bracelets et de bagues, auréolée de chasse-mouches et d’éventails, — enfin, qu’elle apparaissait sous le costume et avec tout l’attirail fastueux d’un Baal phénicien ?… Ce qui est certain, c’est qu’à aucune époque de son histoire, la Grèce continentale n’a cessé de subir le contact et la fascination du monde oriental. Elle a toujours regardé vers l’Archipel, l’Egypte, la Syrie, la Perse même, — et plus loin, — vers l’Inde. Alexandre, pendant quelques années, réalisa son rêve. Aujourd’hui encore, la pente secrète de l’Hellène le fait glisser et retomber souvent aux mœurs orientales, et c’est toujours vers l’Orient qu’il tourne ses convoitises.
Assurément, on ne doit jamais perdre de vue qu’un caractère ethnique bien défini, un style d’art, une méthode d’écrire et de penser (qui s’imposèrent d’ailleurs à tout le monde antique), finirent par se dégager de ces influences asiatiques ou africaines. Le triomphe complet de l’esprit national fut néanmoins de courte durée, — cinquante ans au plus, la période qui va de Thémistocle à la Tyrannie des Trente ! Immédiatement après, dès les conquêtes macédoniennes, les élémens orientaux, momentanément expulsés, rentrent peu à peu dans la littérature et dans les arts plastiques. Mais, — ce que l’on ne dit pas assez, — c’est que les élémens étrangers subsistent, même dans les œuvres du plus pur classicisme : ils subsistent à l’état latent, soumis à une discipline tout hellénique, et si habilement fondus dans l’ensemble qu’on ne les distingue plus.
Les mœurs, davantage encore, devaient être toutes pénétrées de l’Orient. Là-dessus, la littérature ne peut guère nous renseigner. Car il faut tenir compte, chez les écrivains grecs, de l’habitude, qui émoussait en eux le sens d’une foule de