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forme de tour, dont le faîte enveloppé de fumées perpétuelles rougeoyait dans l’ombre. Les cuirs souples de leurs chaussures claquaient allègrement sur les dalles. Ils s’arrêtaient au bord de la plate-forme des sacrifices, le victimaire y couchait le taureau et l’aulète accompagnait de sa flûte le refrain consacré que les jeunes gens répétaient en chœur :


Salut, prince Héraklès, à la bonne victoire !
Salut à toi et à ton cocher, lolaos !…


Les hiérodoules démembraient l’animal. C’était fini !… A la lueur des autels brûlant sous les platanes, on s’en revenait souper dans la salle commune du Prytanée, avec les autres athlètes.

Et c’est tout ce qu’Olympie accordait à ses vainqueurs, en attendant le retour triomphal dans les patries, les fêtes publiques et l’hymne de Pindare. Ici, rien qu’une branche d’olivier, le sang d’une bête égorgée, une courte chanson et la mélodie grêle d’une flûte, à la tombée du crépuscule !…


XII. — DELPHES

Après l’Alphée, je n’aspirais plus qu’à la fontaine de Castalie. Eleusis, Olympie, Delphes, c’étaient les trois grandes étapes des pèlerins antiques. Au sortir de l’Altis, on ne peut espérer des émotions plus fortes que sous le laurier de Pythô, dans l’enceinte d’Apollon delphien.

La chaleur était cruelle. De cette course hâtive le long de l’Achaïe vineuse, je ne me rappelle rien que l’accablement d’une interminable après-midi d’été, sous la tête d’un wagon chauffée à blanc, et, de temps en temps, quand je sortais de ma torpeur, la profusion des grappes suspendues aux ceps, ou séchant sur des aires, au bord de la voie. Je n’avais jamais vu si regorgeantes vendanges.

Il faisait nuit, lorsque j’arrivai à Patras, où j’allais attendre le bateau d’Itéa, l’escale de Delphes. Le lendemain, au petit jour, nous entrions dans la baie de Salone : le Parnasse était en vue.

Ce fut étrange et grandiose. Dans le froid vif du matin, la