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1854


Val-Richer, 29 juillet 1854.

Je regrette de ne pas vous avoir vu à Paris, mon cher monsieur ; nous aurions causé : notre seul plaisir après les plaisirs de la vie de campagne et de famille dont je jouis beaucoup ; je m’étonne toujours qu’on puisse tant conserver après avoir tant perdu.

Je ne sais rien de nouveau sur ce qui vous intéresse, sinon que votre livre réussit très bien. Nous verrons au mois de décembre. Je désire vivement que vous entriez dans cette Académie ; elle est en voie de grande amélioration, et je suis convaincu que, précisément dans l’état actuel de nos affaires, elle peut être très utile. Ce gouvernement-ci ne se réconciliera point avec la liberté politique et ne la supporterait pas. Mais il peut supporter la liberté scientifique, et ne peut guère se brouiller avec elle. C’est donc vers les idées qu’il faut se tourner, et les faire justes sur toutes choses, pour qu’elles puissent, un jour, faire quelque chose de bon. En attendant, les faits s’arrangeront comme ils pourront. Vous avez raison de travailler sans relâche à votre cours d’Économie rurale et de ne pas vous hâter pour la publication. Il y a deux grandes choses à faire pour l’économie politique : il faut la remettre dans les voies de la bonne politique et dans celles de la bonne morale. Vous avez déjà commencé à prendre votre part dans ce travail.

Pour moi, je passe ma vie avec les héritiers de Cromwell ; court héritage. Il n’y a plus de grand homme, mais le spectacle de ce que devient un gouvernement où un grand homme était tout, est très curieux.


A partir de cette époque, une légère modification se produit dans la correspondance, dont le ton demeure d’ailleurs le même.

Guizot n’appelle plus Lavergne que « mon cher confrère. « Ce dernier avait été en effet élu, le 30 juin 1855, membre de l’Académie des sciences morales et politiques, dont Guizot faisait lui-même partie.


1855


Val-Richer, 30 octobre 1855.

Je voudrais pouvoir, mon cher confrère, vous envoyer quelque