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centre du tympan oriental et qui, d’un geste si roide, étend son bras sur la bataille des Centaures et des Lapithes, l’Apollon gagnait certainement à être vu au sommet d’un édifice. A dix pas, il paraît gauche et brutal. Ce front bas, ce nez court, cette lèvre pendante sont d’un athlète de la plus basse sorte, et non du dieu de la lumière. Peut-être que l’éloignement l’idéalisait et que cette figure, presque bestiale dans un musée moderne, était seulement énergique et majestueuse au fronton d’un temple !

Il faut répéter les mêmes regrets à propos des plus purs chefs-d’œuvre emprisonnés au Syngrion. Cette claustration dans des salles grises et nues leur ôte une bonne moitié de leur signification et de leur valeur. Oui ! c’est sur l’Altis, l’Altis intacte, avec tous ses temples et toutes ses statues, qu’il aurait fallu voir l’Hermès de Praxitèle et la Victoire de Pœonios. Ces belles œuvres, ces corps nus ou revêtus d’étoffes transparentes, n’acquéraient tout leur sens et tout leur prix qu’en plein soleil, dans le voisinage d’autres statues ou de motifs architecturaux, dont le style s’apparentait au leur. Ici, au musée, ce ne sont que de superbes académies qui ont l’air d’attendre des élèves dans un atelier désert.

Malgré tout, la Victoire me parut admirable, plus simple et plus grandiose que celle de Samothrace. On prétend qu’elle vole ou qu’elle déploie ses ailes pour s’envoler. Je ne le crois pas. La conception du sculpteur fut, selon moi, beaucoup plus hardie. Il a voulu donner à la fois l’impression du vol qui finit et de l’immobilité qui commence. Les ailes sont encore déployées ou battent faiblement, mais le bout des orteils effleure déjà le sol. En réalité, la messagère divine va se poser. Ce qui le prouve, c’est la position naturelle des épaules et des seins. Le buste est déjà dans l’attitude du repos. Au contraire, chez la Victoire de Samothrace, dont tout le corps est tendu pour l’essor, les épaules et les seins sont violemment remontés et comme sollicités vers l’espace par les leviers formidables des ailes.

Pour bien saisir, dans toute sa beauté, ce mouvement de descente triomphale, il est nécessaire de rétablir en imagination la Victoire de Pœonios sur son piédestal triangulaire. Elevé en face du grand temple, il atteignait presque la hauteur des métopes. Du portique d’Echo, j’aperçois ce socle monumental et j’essaie de me le représenter avec sa statue. Les ailes ouvertes,