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tout ce qu’elle perd. Et peu importe ; ils peuvent perdre impunément l’un et l’autre ; ils sont, l’un et l’autre, notre seul rempart contre l’anarchie brutale ; et nous n’en avons point de rechange.

Adieu, mon cher monsieur ; je vous écris à Peyrusse, ne sachant où vous prendre ailleurs. J’espère que ma dernière lettre adressée à Paris vous aura rejoint dans vos courses. Pour moi, je reste ici ou à Trouville. Je travaille, je me promène ; je pense à sir Robert Peel que je regrette beaucoup. La France et l’Angleterre ne referont pas de longtemps, ensemble, la politique que nous avons faite en commun, lui et moi, pendant cinq ans.


Val-Richer, 18 septembre 1850.

Mon cher monsieur, je suis revenu il y a peu de jours de Claremont, et j’ai trouvé ici votre lettre du 1er. La Reine et toute la famille royale sont en état très bon et sain, d’esprit et de corps ; parfaitement décidées à rester unis et même réunis ; c’est Mme la Duchesse d’Orléans qui dit que la réunion est le symbole de l’union. Elle a loué tout près de Claremont une maison jusqu’au printemps prochain. La Reine m’a touché et frappé plus que jamais par ce mélange de passion vive et d’empire sur elle-même qui est devenu sa nature. Elle parle du Roi simplement, pieusement, comme si elle l’avait vu il y a cinq minutes et devait le revoir dans cinq minutes. Les trois princes sont étroitement groupés autour de leur mère, et du même avis, avec elle et entre eux, sur toutes choses. Ils s’en sont séparément expliqués avec moi, de manière à ne permettre aucun doute. La Reine a reçu, au moment où j’arrivais, un message très convenable de M. le Comte de Chambord qui, après le service funèbre qu’il avait fait célébrer à Wiesbaden, lui a fait porter directement l’hommage de sa sympathie et de son respect. La Reine, de concert avec toute la famille royale et en son nom, s’est montrée sensible à ce bon procédé, et y a répondu par un message conçu en termes également bien appropriés à la situation. Ce sont les bons rapports de parenté renoués entre les deux branches ; rien de moins, rien de plus. Le corps du Roi reste déposé dans la chapelle catholique de Weybridge, près de Claremont, jusqu’à ce que les princes ses fils aient le droit de le ramener eux-mêmes en France et de le déposer dans l’église de Dreux, selon son désir. Ils ne demanderont, à ce sujet, ni permission, ni faveur, et ils ont raison.