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trait le plus souvent à des objets de service, instructions données sur des questions politiques, rapports à faire, matériaux demandés pour des discours à prononcer aux Chambres, en un mot, c’est le détail très simple d’une collaboration quotidienne, dont la publication serait inutile et oiseuse.


EXIL EN ANGLETERRE, 1848-1849

On sait qu’après la Révolution de Février, pour donner satisfaction aux passions populaires, les membres du ministère Guizot avaient été mis en accusation. Cette poursuite, que rien ne motivait, devait aboutir après de longs mois à une ordonnance de non-lieu. Pendant qu’elle était censée s’instruire, Guizot, réfugié en Angleterre, y avait loué aux environs de Londres, à Brompton, un cottage où il séjourna jusqu’en juillet 1849, époque de son retour en France.

C’est de là qu’il écrivait à Lavergne les lettres suivantes :


Brompton, 11 juillet 1848.

Je ne vous ai pas encore écrit, mon cher monsieur, vous me le pardonnez. Vous êtes une des personnes avec qui j’aimerais le mieux à causer, et aussi une de celles avec qui je ne puis souffrir de causer vaguement. Du reste, vous savez, j’en suis sûr, ce que je vous dirais. Vous de près, moi de loin, nous assistons avec les mêmes sentimens au même spectacle et nous en retenons les mêmes impressions. Les derniers scènes de Paris ont fait ici et partout en Europe un grand et bon effet qui était bien nécessaire. On doutait qu’une société qui n’avait rien su défendre, sût se défendre elle-même. Le doute se dissipe, donc un avenir se rouvre... Lequel et à quelle distance ? Vous n’en savez probablement pas plus que moi. Je suis chaque jour plus convaincu que la plus complète immobilité est la seule attitude utile aussi bien que convenable. Il y a des écheveaux qui ne se débrouillent que pourvu qu’on n’y touche pas. L’Europe n’y touchera pas. A vrai dire, il n’y a plus d’Europe et elle aura bien autant de peine à se refaire que la France.

J’ai toujours eu au fond de l’âme, et sans me l’avouer clairement à moi-même, un double sentiment : l’un, que le mal était plus grand que nous ne le disions et ne le croyions ; l’autre, que nos remèdes étaient des palliatifs frivoles, et que les grandes opérations de la Providence pourraient seules ouvrir les yeux au malade et faire accepter les remèdes nécessaires.

Elle n’épargne pas ses coups.

Je me porte bien et je travaille. Je vis tête à tête avec