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ouvriers qui composent exclusivement son état-major ont sur ce point des théories qui se rapprochent de celles de Nietzsche, qu’ils ignorent, certes, complètement.

Il est intéressant, pour connaître les principes et la méthode de la Confédération générale du Travail, de reproduire une déclaration de l’un de ses dirigeans, M. Pouget : « L’action syndicale, a-t-il écrit, est la négation du système des majorités. Si l’on veut tenir compte des majorités, il ne faut pas oublier la masse des non-syndiqués. C’est elle qui est la majorité. Par conséquent, en vertu du droit des majorités, les syndiqués n’ont qu’à suivre les veules, les pieds-plats toujours contens de l’exploitation. Au contraire, si l’on est conscient, on s’aperçoit que, dans la société, n’ont de valeur que des êtres de volonté, ceux qui ne subissent pas l’ambiance majoritarde, les révoltés. Et tous les syndiqués sont, plus ou moins, des révoltés. Dans le syndicat, il en est de même que dans la société : seuls comptent les actifs, ceux qui s’occupent du syndicat, qui font de la propagande. Quant aux syndiqués moutonnans qui se bornent à payer leurs cotisations, en rechignant plus ou moins, sous la pression du collecteur, ils ne peuvent espérer avoir dans le syndicat l’influence qu’ils refusent d’avoir. Cependant, qu’arrive une occasion, et cette minorité féconde, qui paraît infime, par sa force rayonnante, vivifie les syndiqués moutonnans et entraîne aussi la masse inconsciente restée complètement hors du syndicat. Ainsi se manifeste la puissance d’action des minorités[1]. »

On ne pourrait trouver un exposé plus sincère, plus net et plus exact, de la méthode suivie par la Confédération générale du Travail : une minorité de « militans, » de « consciens, » de « révoltés » compte seule et a tous les droits : il faut qu’elle saisisse toutes les occasions de « vivifier les syndiqués moutonnans » et d’ « entraîner la masse inconsciente restée hors du syndicat. » Ces occasions, la Confédération non seulement les saisit, mais elle les fait naître sans trêve ni repos : ce sont par excellence les grèves, en attendant la grève générale qu’elle projette, qu’elle annonce du moins, comme un événement en quelque sorte messianique, qui engendrera la société nouvelle où le capital sera asservi à la main-d’œuvre, où il n’y aura plus ni patronat, ni salariat.

  1. Mermeix, op. cit., p. 201.