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d’hommes réputés politiquement ou socialement plus instruits ou plus expérimentés, le but qu’elle s’est proposé, dont elle n’a jamais dévié jusqu’ici et dont elle ne se laisse distraire par aucune préoccupation accessoire ou temporaire.

Ce but est nettement défini par ses statuts : « Article premier. — La Confédération générale du Travail, régie par les présens statuts, a pour but : 1° le groupement des salariés pour la défense des intérêts moraux et matériels, économiques et professionnels ; 2° elle groupe, en dehors de toute école politique, tous les travailleurs consciens de la lutte à mener pour la disparition du salariat et du patronat. » Ainsi, ce n’est pas d’améliorations graduelles de la situation des ouvriers, comme l’augmentation des salaires ou la réduction des heures de travail, non plus que de garanties générales pour la classe peu aisée, comme les retraites ouvrières, que la Confédération générale du Travail veut s’occuper ; elle regarde ces progrès comme des vétilles ; elle ne les prend en considération que comme moyen d’agitation pour arriver à un but autrement important et capital qui est « la disparition du salariat et du patronat. » D’après l’article 2 de sa charte, révisée à une date récente (1902), « la Confédération générale du Travail est constituée par : 1° les Fédérations nationales, à leur défaut les Fédérations régionales d’industrie, de métiers et les syndicats nationaux ; 2° les Bourses du travail considérées comme unions locales ou départementales ou régionales de corporations diverses et sans qu’il y ait superfétation[1]. »

Ainsi, la Confédération poursuit la mainmise sur tous les groupemens ouvriers. Elle entend les dominer pour les entraîner à une guerre incessante contre l’organisation sociale actuelle. Elle n’attend rien des réformes législatives ; elle raille abondamment le parti socialiste parlementaire : un des hommes principaux de son état-major, M. Griffuelhes, écrivait ironiquement que « le parti socialiste pourrait peut-être avoir la majorité au Parlement en l’an 50 000. » Les « militans, » les « travailleurs consciens » n’ont pas assez de patience pour se résigner, durant quarante-huit mille ans, à des réformes de détail, réputées par eux des billevesées. Ils espèrent effectuer de haute lutte et rapidement une transformation intégrale. La tactique très simple

  1. Menneix, le Syndicalisme contre le Socialisme, Origine et développement de la Confédération générale du Travail, p. 188.