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Peu de temps après la loi de 1884 sur les syndicats, un autre organe fit son apparition qui devait compléter, pensait-on alors, les moyens qu’auraient les ouvriers de s’éduquer et de progresser, à savoir : la Bourse du Travail.

L’idée de Bourses du travail, c’est-à-dire de bureaux permanens, relevant soit des ouvriers, soit des patrons, soit plutôt des uns et des autres associés, pour recueillir tous les renseignemens relatifs à la demande ou à l’offre de la main-d’œuvre, aux salaires, aux différentes modalités du travail et à la répartition des travailleurs entre les diverses industries et les diverses localités suivant les besoins, avait été lancée dans la circulation, il y a bientôt un demi-siècle, par un économiste ingénieux et original, M. de Molinari. Il ne s’agissait dans sa pensée que d’organes absolument techniques et spéciaux, tout comme la Bourse du commerce ou la Bourse des valeurs ; ces établissemens devaient être libres et autonomes ; les municipalités ou l’Etat pouvaient intervenir pour fournir des locaux, comme ils le font, d’ailleurs, aux Bourses des valeurs ou aux Bourses du commerce ; mais on ne prévoyait pas que le nouvel organe dût excéder sa spécialité, qui consistait surtout en un emploi attentif et efficace de statistiques étendues et tenues toujours au courant. Nul doute que des organes de ce genre, fidèles à la pensée d’origine et uniquement occupés de leur destination essentielle, ne pussent rendre de précieux services aux ouvriers, aux patrons, en réduisant le chômage et ne fussent très favorables au développement et à la régularité de l’industrie.

Tout autre fut la destinée des Bourses du travail que l’on a vues éclore en France dans les vingt dernières années. C’est en novembre 1886 que M. Mesureur, alors conseiller municipal, postérieurement député et aujourd’hui directeur de l’Assistance publique, fit voter par le Conseil municipal de Paris l’acquisition d’un immeuble, rue Jean-Jacques-Rousseau, où devait être provisoirement établie, en attendant la construction d’un édifice spécialement approprié à cet usage, la Bourse du travail parisienne, première Bourse du travail de France en importance et en date. Deux mois plus tard, M. Mesureur inaugurait solennellement cette institution, et voici le programme qu’il lui traçait, lequel s’éloignait peu de celui que nous venons d’indiquer : « La Bourse (du travail), disait-il, mettra à la disposition de tous, sous une forme simple et pratique, les offres et