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ces unions ne sont légales qu’entre syndicats « exerçant la même profession, les métiers similaires ou des professions connexes concourant à l’établissement de produits déterminés, » suivant le texte de l’article 2, ce qui frapperait d’illégalité la célèbre Confédération générale du Travail, ou si, au contraire, ces unions peuvent se constituer entre syndicats professionnels, quels qu’ils soient, et sans aucun rapport de spécialité, ce qui légitimerait la célèbre C. G. T. Nous devons dire que des jurisconsultes considérables et, d’ailleurs, impartiaux sont de ce dernier avis, qui est plus conforme, semble-t-il, à la lettre de la loi de 1884 qu’à son esprit. Mentionnons encore l’article 7 de cette loi qui a pour objet de sauvegarder la liberté et le droit de retrait des membres des syndicats : « Tout membre d’un syndicat professionnel peut se retirer à tout instant de l’association, nonobstant toute clause contraire, mais sans préjudice du droit pour le syndicat de réclamer la cotisation de l’année courante. Toute personne qui se retire d’un syndicat conserve le droit d’être membre des sociétés de secours mutuels et des pensions de retraites pour la vieillesse, à l’actif desquelles elle a contribué par des cotisations ou versemens de fonds. » Ainsi, entrée libre, sortie libre ; telles sont les stipulations du législateur ; mais l’abrogation de l’article 416 du Code pénal, punissant « les amendes, défenses, proscriptions, interdictions, » met en grand péril cette liberté de sortie.

Telle est, dans ses traits principaux, la célèbre loi de 1884. Le législateur s’imaginait avoir ouvert la voie à des Associations ouvrières essentiellement pacifiques, des Sociétés d’études ; le mot d’étude, comme on l’a vu, revient à chaque instant dans les articles. Quant aux Unions de syndicats, sans trancher la question si elles doivent être formées entre syndicats d’une même spécialité professionnelle, l’Union de la cordonnerie par exemple ou l’Union de la carrosserie, ou si elles peuvent comprendre les corps d’état les plus dissemblables, il semble bien résulter des textes que ces unions, dans la pensée du législateur, ne devaient aucunement constituer un organe en quelque sorte extérieur et supérieur aux syndicats eux-mêmes, comme l’est la célèbre Confédération générale du Travail ; elles devaient être l’émanation des syndicats.

Une fois la loi votée, le gouvernement prit à cœur d’en répandre l’application. Par une circulaire du 25 août 1884,