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aient été aggravées depuis la loi Le Chapelier et depuis le Code Napoléon, notamment sous le règne de Louis-Philippe en 1834, bien que les ouvriers eussent été réduits, suivant le mot de Royer-Collard, à un « état de poussière, » il ne faudrait pas croire que toutes leurs associations eussent disparu. Au début du second Empire, il en existait, par tolérance ou clandestinement, un assez grand nombre d’anciennes ou de nouvelles. Selon M. Maxime Le Roy, qui a fait des recherches à ce sujet, « d’après un recensement officiel fait en 1853, quarante-cinq des sociétés ouvrières existant à cette époque dataient du XVIIIe siècle. En 1800, il y en avait quatorze à Paris. » Les lois prohibaient ; mais les mœurs administratives, tenues à ne pas s’écarter complètement des mœurs générales, ignoraient ou feignaient d’ignorer. Les articles si rigoureux du Code pénal pouvaient diminuer, encore cela est-il incertain, la fréquence des grèves, mais ne parvenaient pas à en prévenir complètement l’éclosion : il y en eut, de très graves même, notamment celle des charpentiers de Paris en 1822. Quand nos révolutions successives donnèrent naissance à des gouvernemens d’origine populaire et de préoccupations démocratiques, il fallut arriver non seulement à laisser sommeiller les articles du Code interdisant les associations ouvrières et les coalitions, mais même à modifier plus ou moins gravement ces articles. Le 25 février 1848, le Gouvernement provisoire de la République française s’engageait, dans une proclamation au peuple, à garantir l’existence de l’ouvrier par le travail, à assurer du travail à tous les citoyens, et il reconnaissait que les ouvriers doivent s’associer entre eux pour jouir du bénéfice de leur travail. Le second Empire, issu du suffrage universel, ne pouvait répudier absolument les engagemens de la République de 1848. S’il rejetait le droit au travail et les ateliers nationaux, il ne pouvait traquer ni même trop inquiéter les associations ouvrières qui poursuivaient paisiblement des améliorations professionnelles. Il fut amené, à la suite d’une grève de typographes qui dura quatre mois, à faire un pas plus décisif ; par la loi célèbre de 1864, dont M. Emile Ollivier fut le rapporteur, il autorisa les coalitions d’ouvriers. C’est vraiment là la date qui inaugure l’émancipation de la population ouvrière en France. Les articles 414 et 415 du Code pénal furent modifiés comme il suit :


ART. 414 (nouveau). — Sera puni d’un emprisonnement de six jours à trois ans et d’une amende de 16 à 3 000 francs, ou de l’une de ces deux