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d’Azemmour s’est répandue, elle a produit quelque émotion. On s’est demandé, notamment en Allemagne, s’il n’y avait pas là un acte contraire aux engagemens que nous avions pris. Il y a en Allemagne, comme partout, des journaux impatiens et excessifs qui n’attendent pas qu’un fait soit contrôlé et confirmé pour en tirer des conséquences extrêmes : ces journaux ont jeté contre nous feux et flammes, et la presse officieuse elle-même a commencé à gronder. La note publiée dès le premier moment par notre ministère a coupé court, ou peu s’en faut, à la campagne qui était déjà entamée ; mais il serait regrettable que des incidens du même genre nous fissent passer trop souvent, soit d’une part, soit de l’autre, par des émotions analogues. Notre prestige n’y gagnerait rien.

La question posée par M. Jaurès à M. le ministre des Affaires étrangères a eu deux parties : il n’a pas été répondu à la seconde. Nous ne tirons d’ailleurs aucune conséquence de la réserve où est resté le gouvernement, ni de l’embarras qu’il a paru éprouver ; il a déclaré n’avoir pas de renseignemens, en quoi certainement il a dit vrai ; mais on a pu s’étonner qu’il n’en eût pas. Est-il exact, a demandé M. Jaurès, qu’un peu avant que les troupes françaises entrassent à Azemmour, celles d’Ald-el-Aziz s’y étaient présentées avec moins de succès ? Dans ce cas, il serait difficile de ne pas voir un lien entre les deux opérations, et il serait permis de craindre qu’en dépit des assurances contraires qui ont été données à maintes reprises à la Chambre, nous ne continuions de prendre parti entre les deux frères et de soutenir Abd-el-Aziz contre Moulaï-Hafid. Au lieu de le faire ouvertement, nous le ferions discrètement, mais non pas moins activement. Ainsi nous serions entrés à Azemmour pour y renverser une municipalité hafidiste et pour mettre à la place une municipalité aziziste, — après quoi, nous nous serions retirés. Il n’est pas vraisemblable que rien de tel ait eu lieu à Azemmour, car alors le général d’Amade aurait manqué à ses instructions ; mais, sur tous ces points, le gouvernement n’a fait aucune réponse aux interrogations pressantes de M. Jaurès. — Je ne sais rien, a dit M. Clemenceau ; je n’ai aucune information d’aucune sorte à ce sujet ; j’en demanderai, ou plutôt j’en ai demandé dès le premier jour, mais je ne les ai pas encore reçues. — Le gouvernement sera bientôt éclairé puisqu’il a demandé à l’être ; mais les Chambres, étant à la veille des vacances, seront moins heureuses ; elles ne sauront rien avant longtemps.

Au surplus, le passé est le passé : l’avenir nous intéresse davantage, et la question la plus importante à nos yeux est de connaître les