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instructions, — ces mêmes instructions que M. Pichon a lues il y a une quinzaine de jours à la tribune, — limitaient strictement son action au territoire de la Chaouïa, et Azemmour est en dehors de ce territoire, quoique sur sa limite. C’était donc, semble-t-il, une imprudence d’y pénétrer. Le général d’Amade l’a fait pourtant. Il a voulu faire passer par Azemmour un courrier qui devait se rendre ensuite à Mazagan, et auquel les autorités de la ville ont barré la route. Les portes lui ont été fermées ; les moyens de transport sur la rivière se sont repliés sur la rive gauche ; les abords de la ville sont devenus hostiles. Le général d’Amade avait-il prévu ce qui devait arriver ? Dans ce cas, il a eu tort d’envoyer un courrier à Mazagan par Azemmour ; et, s’il ne l’a pas prévu, il était insuffisamment renseigné. Quoi qu’il en soit, il a adressé un ultimatum aux autorités de la ville, leur donnant deux heures pour remettre toutes choses en ordre, ce à quoi les autorités ont répondu en prenant la fuite. Les troupes françaises sont alors entrées dans Azemmour sans coup férir, n’y ayant rencontré aucune résistance ; elles y ont établi une municipalité nouvelle ; puis elles ont regagné leur camp. Il est heureux que les choses se soient passées ainsi : que serait-il advenu si un coup de fusU imprudent avait été tiré, soit d’un côté, soit de l’autre ? Nous aurions pu être engagés dans une bagarre qui aurait ressemblé à celle de Casablanca, et nous aurions appris le nom d’une nouvelle province du Maroc, comme nous avons appris celui de la Chaouïa. M. le ministre des Affaires étrangères a déclaré à la Chambre que le gouvernement approuvait la reconnaissance faite par le général d’Amade à Azemmour : nous dirons plus simplement que tout est bien qui finit bien.

Que le gouvernement ait approuvé la reconnaissance, il faut bien le croire puisqu’il le dit : toutefois, quand il en a appris les premiers détails, son inquiétude a été assez vive. On en a la preuve dans la note qu’il a communiquée alors aux journaux. Le gouvernement y faisait savoir qu’il avait rappelé ses instructions au général d’Amade, et que, non content d’avoir appris que les troupes françaises avaient évacué Azemmour aussitôt après l’avoir occupé, il avait exprimé le désir qu’elles se rapprochassent encore davantage de leur base d’opération. C’est d’ailleurs ce que M. le ministre des Affaires étrangères a confirmé à la tribune, dans sa réponse à M. Jaurès. Le gouvernement, a-t-il dit, a « invité le général à ne pas franchir la ligne qui lui a été fixée. Il ajoute que, sans doute, le général aura été entraîné au delà de ses intentions