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LES DIRIGEABLES

M. Santos-Dumont avait déjà crevé cinq ballons de sa construction, lorsque, le 19 octobre 1901, à deux heures de l’après-midi, l’observatoire de la Tour Eiffel lui fit savoir que le vent était faible, qu’il soufflait de l’Ouest-Sud-Ouest et ne dépassait pas 4m, 40 à la seconde, avec, cependant, des coups de bourrasque de 6 à 8 mètres. Brusquement, alors, le jeune aéronaute se décida à sortir son n° 6, pour tenter de gagner le prix de 100 000 francs fondé par M. H, Deutsch, prix dont les conditions essentielles étaient les suivantes : « partir du parc d’aérostation que l’Aéro-Club avait établi entre Suresnes et Saint-Cloud, sur les coteaux qui bordent la Seine, décrire, sans toucher terre et par les seuls moyens du bord, une courbe fermée de façon que l’axe de la Tour Eiffel soit à l’intérieur du circuit, et revenir au point de départ dans le temps maximum d’une demi-heure. »

A 2 h. 29, M. Santos-Dumont monte dans son ballon et part. Malheureusement, le guide-rope s’accroche dans un arbre, le ballon s’arrête, et son conducteur se voit obligé de rentrer au parc à 2 h. 35. A 2 h. 42 a lieu exactement le second départ. Cette fois, Santos-Dumont, jetant un sac de lest, s’élève à 200 mètres environ, et à une allure stupéfiante, avec une rectitude absolue, franchit la Seine, dépasse le Bois et se dirige vers la Tour Eiffel, décrivant une trajectoire d’une régularité admirable et qui n’est, en somme, que la courbe bien connue du chien qui traverse la rivière pour rejoindre son maître. Une foule compacte, massée dans le champ de courses d’Auteuil, l’acclame et attend son retour pour l’acclamer une seconde fois. Mais le