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être pour la femme une seconde famille, remplaçant la famille naturelle si celle-ci n’existe plus ou demeure trop éloignée, comme cela a lieu pour tant de travailleuses, venues de la campagne et perdues, dans un isolement plein de dangers, à travers les agglomérations des grandes villes. Comment espérer, dans une association, de nouer des liens d’affection, de confiance, de douce camaraderie et d’aide mutuelle, si les âmes sont divisées sur la façon même de comprendre les raisons de l’effort journalier, et sur la manière de concevoir la noble loi du travail ? Sans rechercher assurément l’uniformité de pensées et de pratiques intimes qui n’ont pas un rapport direct avec les questions professionnelles proprement dites, il y a lieu de se garer de toute déviation révolutionnaire, de s’en tenir à une unité d’idées générales, et à cette mentalité à base chrétienne qui fait le fond de l’âme française depuis les origines de notre pays et qui, seule, peut assurer le ciment nécessaire entre les bonnes volontés.

C’est l’association professionnelle qui donnera vie et âme à tous les efforts, à toutes les revendications légitimes, à toutes les œuvres de prévoyance et d’assistance mutuelle, et leur assurera la continuité nécessaire à toute œuvre sociale digne de ce nom. Au lieu d’être en effet l’œuvre de quelque bienfaiteur dont l’influence restera forcément passagère, au lieu d’être l’émanation d’une volonté extérieure à la personnalité des travailleuses, c’est chez ces dernières elles-mêmes que l’institution trouvera son centre de gravité. Au lieu de venir d’en haut, comme dans les œuvres ordinaires de philanthropie, le mouvement surgira d’en bas et il remuera des couches plus profondes Il en résultera tout un accord de pensées, d’aspirations et de volontés de la part des intéressées, une flamme d’idéalisme capable, à un haut degré, de réveiller les ardeurs. De l’âme de ces groupemens s’échappera la vie professionnelle, existence normale et logique, qui a pour effet de situer l’individu dans la société, existence que l’on doit vivre parallèlement avec la vie de famille, et à l’abri de laquelle doivent fleurir toutes les institutions aptes à améliorer le sort moral, intellectuel et matériel des travailleuses,


LUDOVIC DE CONTENSON.