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la mère de famille. Le christianisme a glorifié la pauvreté en nous enseignant que le dernier des esclaves, enfant de Dieu comme nous, était notre frère : mais il n’a pas exalté la misère, mère du vice, cause initiale de tant de dégradations. Nous avons le devoir de travailler sans relâche à l’amélioration matérielle de la condition des travailleuses. Le bien-être matériel donne la santé, la bonne humeur, la joie et l’indépendance. Il est, chez la femme en particulier, la sauvegarde de la vertu. A travers les tentations du luxe et la promiscuité des grandes villes, n’est-il pas infiniment plus facile à une femme de résister aux tentations quand elle possède un salaire suffisant ?

L’élévation du taux des salaires ! dussé-je effrayer quelque patron en quête de main-d’œuvre à bon marché, pourquoi, je le demande, l’ouvrière ou toute femme vivant d’un métier ne chercherait-elle par à l’obtenir ? De part et d’autre, c’est la loi du travail, la loi de l’offre et de la demande. Mais nous ne souhaitons ni grèves, ni crises ; nous songeons, au contraire, à y parer. Déjà on a constitué, dans certaines régions, des conseils mixtes de patrons et d’ouvriers pour aplanir notamment les différends relatifs aux salaires, et il paraît que plusieurs fonctionnent déjà à la satisfaction des parties. Quand l’éducation sociale de notre pays sera sinon achevée, du moins en progrès, espérons que cette coutume se généralisera et qu’un esprit de justice et d’équité succédera, de part et d’autre, à la période de heurts et de malentendus où nous sommes actuellement engagés.

Après l’élévation des salaires, condition primordiale si l’on veut sauvegarder la dignité et l’indépendance de la mère de famille et de la jeune fille, il existe d’autres moyens d’améliorer leur bien-être : caisses et ateliers de chômage, assurances contre les accidens et les maladies, qui peuvent se synthétiser dans la société de secours mutuels professionnelle. Celle-ci, au surplus, est la seule vraiment logique, car, si les mutualités sont composées de personnes appartenant à la même profession, elles favorisent l’éclosion des syndicats et réciproquement. Il en résulte un double avantage pour l’organisation professionnelle vers laquelle doivent tendre nos efforts. L’ouvrier qui, en outre de sa cotisation syndicale, aura versé une cotisation à la caisse de secours mutuels de son association, sera ainsi pris dans un réseau d’intérêts économiques bien propre à l’attacher à son groupement et à faire de ce groupement une association sérieuse