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la partie la plus précieuse de l’ouvrage entier, au point de vue proprement historique. Les péripéties de la rivalité haineuse du représentant Dentzel et du général Laubadère la vie au jour le jour des assiégés, avec leur enthousiasme civique coupé parfois de brusques accès de découragement, l’état d’esprit des officiers et des soldats, leurs travaux et leurs plaisirs, la condition misérable de la nombreuse troupe des déserteurs, entassement hétéroclite des rebuts de toutes les nations, la décroissance continue des vivres et les scènes tragiques qui en résultaient : tout cela est évoqué sous nos yeux sans l’ombre d’exagération, ni, non plus, de réticence ; et nous assistons d’heure en heure aux menus incidens d’un grand drame dont nous nous rappelons, d’autre part, que le dénouement va être d’une importance décisive pour le triomphe ou la défaite de l’idée révolutionnaire.


On sait ce qu’a été le dénouement du drame : le 28 décembre, la place de Landau s’est rouverte, débloquée par l’approche d’une armée de renfort ; et l’armée allemande, après avoir vainement dépensé plus de trois mois à ce siège, a dû se retirer au-delà du Rhin. Quant à « maître » Laukhard, la levée du siège lui a valu d’être transporté, en compagnie d’autres déserteurs, à Strasbourg, où notre homme s’est occupé aussitôt d’aller faire montre de ses opinions républicaines et anti-religieuses devant l’ex-capucin allemand Euloge Schneider, qui régnait alors sur toute l’Alsace. « Que désires-tu ? — lui demanda ce personnage, attablé, lui aussi, en compagnie d’une « aimable mamselle. » — Je désire apprendre à connaître l’homme illustre qui, par le moyen de la philosophie, a écrasé la superstition ; qui a renoncé à une profession inutile pour se mettre au service de l’humanité ; et que l’Allemagne honore comme l’un de ses meilleurs poètes, et lu France comme l’un de ses plus ardens républicains ! — Ami, ce sont là des complimens. Je ne suis fier que d’une chose : de pouvoir servir la République ! » Mais comme Laukhard lui déclarait, ensuite, qu’il venait de Halle, le capucin défroqué, oubliant sa modestie de la minute précédente, se fit longuement rapporter ce que disaient de lui les professeurs de cette ville, et de toutes les autres universités allemandes. Sa protection, d’ailleurs, ne procura pas d’autre avantage à son compatriote que de lui