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vote émis par la Convention de Chicago et les débats de cette assemblée n’indiquent pas que le parti républicain soit aussi déchiré que le prétendent les démocrates. Des divisions d’ailleurs, il y en a partout. Beaucoup de démocrates riches n’aiment pas M. Bryan et résument leurs griefs contre lui en disant : « C’est un démagogue. » Sa campagne pour la frappe libre, bien qu’elle appartienne au passé, lui a fait grand tort. D’autre part, il exprime souvent des idées qui choquent. Quand il propose de réduire les trusts par une abolition des tarifs douaniers ; quand il soutient que, pour les États-Unis, le meilleur moyen de se faire respecter, c’est de n’avoir pas de marine ; quand il se défend d’être socialiste et envisage pourtant le rachat des chemins de fer, il éveille des inquiétudes que ses adversaires ne sont pas seuls à ressentir. Il a pour lui son prestige, son éloquence, sa popularité. Mais il paie en même temps la rançon de ses qualités et de ses défauts. Il a des admirateurs, mais il a aussi des détracteurs. Il a su reconquérir une situation que beaucoup croyaient à jamais compromise. Le conduira-t-elle à la Maison Blanche ? Ceux qui l’affirment n’en savent rien et n’en peuvent rien savoir.

Dès maintenant, la campagne est commencée. Elle battra son plein au début de septembre. Les comités, partout formés, vont répandre à profusion les brochures de propagande. Les journaux vont quotidiennement soutenir les deux candidats. Les réunions publiques se succéderont. Les « parades, » énormes processions qui comptent parfois 60 000 personnes, parcourront les rues des grandes villes. On donnera et on prendra la cote, car le pari au candidat passionne plus encore que le pari aux courses. On se disputera avec une ardeur particulière les États douteux. On dépensera de l’argent, beaucoup d’argent. On s’enfiévrera de dialectique et de pronostics. Des deux parts, on déploiera le maximum d’effort et d’adresse, jusqu’au jour où le verdict souverain des électeurs aura donné, pour quatre ans, un chef à cette démocratie, la plus fortement organisée qui soit au monde pour la lutte électorale.

André Tardieu.