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Quelques semaines plus tard, dans son triomphal discours de Madison square, il n’essaya même pas de soutenir son ancienne chimère. Impôt sur le revenu, expropriation et exploitation par l’État des grandes lignes nationales de chemins de fer, arbitrage obligatoire dans tous les conflits économiques, révision du tarif douanier, guerre aux trusts et aux ploutocrates, abandon des Philippines, tels étaient les principaux articles de ce programme modifié. Il y joignait une attaque contre le Sénat « forteresse des pirates de l’argent, » un vœu en faveur de l’arbitrage international, une charge à fond contre les grosses fortunes. Il concluait qu’il rapportait de l’ancien monde un message de paix et que le sentiment pacifiste avait fait en Europe des progrès considérables.

Allégée du poids mort du bimétallisme, comment se présente la candidature de M. Bryan ? Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on a remarqué que les programmes des deux grands partis américains diffèrent de moins en moins l’un de l’autre. Jamais cette identité croissante n’a été plus visible qu’à présent. Écoutez M. Bryan. Il déclare que l’article essentiel de son programme, c’est la lutte contre les trusts et leurs abus. Mais, du fait de M. Boosevelt, voilà des mois que le parti républicain a placé cette lutte au premier rang de ses préoccupations. Il en est de même pour la plupart des autres articles. Or, les républicains, qui, depuis plusieurs années, tiennent le pouvoir, sont les beati possidentes. Ils peuvent dire aux électeurs : « Pourquoi nous préférer les démocrates, puisque nous faisons comme eux ? » Il n’est pas jusqu’aux principes constitutifs des deux partis qui ne soient, dans cette controverse, en faveur des républicains. Quoi qu’on pense du fond du problème, il est clair que, pour agir utilement contre les trusts, il faut étendre et fortifier la législation fédérale, l’autorité fédérale. Or les démocrates, traditionnels défenseurs des droits des États, seront gênés, lorsqu’il s’agira d’approuver cette extension. Les républicains, au contraire, sont à leur aise pour l’accepter, puisqu’ils ont toujours soutenu la nécessité d’un pouvoir central bien armé. Quant à la politique militaire et à la politique extérieure, il suffit d’avoir passé quelques semaines aux États-Unis pour constater que M. Boosevelt a la majorité avec lui.

Manœuvrier supérieur, rompu à toutes les parades, M. Bryan a prévu le danger et pris l’offensive. A l’assemblée des démo-