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trois fois au Japon et ses propos respirent la sympathie pour le peuple japonais. Ses premiers voyages, en 1903 et 1905, furent des voyages de tourisme. C’est au cours du second que se scellèrent les fiançailles de miss Alice Roosevelt avec M. Nicolas Longworth. Le secrétaire de la Guerre et MMe  Taft chaperonnaient une joyeuse caravane d’officiers, de parlementaires et de jeunes filles. Tokyo, Séoul, les Philippines furent les principales étapes de cette tournée, au cours de laquelle le sultan de Jolo sollicita la main de la « princesse Alice. » Le dernier voyage de M. Taft eut lieu à une heure de crise, ou du moins de difficultés. Depuis l’automne de 1906, la question des écoles d’abord, ensuite celle de l'immigration avaient donné lieu, entre Washington et Tokyo, à des négociations qui, pour rester courtoises, n’en étaient pas moins délicates. La décision du président d’envoyer dans le Pacifique toute l’escadre de l’Atlantique avait provoqué quelque émotion. M. Taft, qui était, à l’automne de 1907, retourné aux Philippines, décida, de concert avec M. Roosevelt, d’aller rendre visite ensuite à ses amis japonais. « Je connais, me disait-il à son retour, presque tous les hommes d’État qui entourent le mikado. Je suis sûr de leurs sentimens pacifiques : ils sont, autant que nous, résolus à ne pas permettre la naissance d’un conflit entre les deux pays. »

Ce solide optimisme, qui, si justifié soit-il par les sentimens réciproques, ne tient peut-être pas des faits un compte suffisant, anima les discours de M. Taft à ses hôtes : « Il n’y a eu, disait-il, qu’un tout petit nuage sur notre amitié de cinquante ans. Mais le plus grand tremblement de terre du siècle lui-même ne pourrait ébranler cette amitié. Les événemens de San Francisco peuvent recevoir et recevront de la diplomatie une solution honorable. Une guerre entre les États-Unis et le Japon serait un attentat contre la civilisation. Aucun des deux peuples ne la désire. Les deux gouvernemens feront l’impossible pour l’empêcher. » Respectueusement salué par la foule, abondamment photographié et questionné par les reporters, courtoisement accueilli par les ministres et, à deux reprises, par le mikado M. Taft ne négocia, ni ne traita. Mais il prépara les esprits à des négociations amicales et, par la détente, les achemina à l’entente. Il revint par Shanghaï, Pétersbourg et Berlin, regrettant que les devoirs de sa charge ne lui laissassent point le temps de faire, comme il le souhaitait, un séjour à Paris.