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attendant, on dosera aux indigènes la liberté ; on les admettra dans les municipalités, dans les cours de justice, même dans la commission exécutive que préside le gouverneur et qui participe à son pouvoir. Au besoin même, on essaiera d’une assemblée, avec des conditions de capacité et de cens à la base du droit électoral. Ces élections ont eu lieu en juillet 1907 et M. Taft est allé, le 15 octobre suivant, présider l’ouverture de la session. Les Philippines, à ce moment, étaient encore de sa compétence, mais non plus au même titre. En 1904, il avait en effet quitté Manille pour devenir ministre de la Guerre : or l’administration de l’archipel est rattachée au War department. De toutes ses attributions, c’était peut-être, pour lui, la préférée : « C’est là qu’est mon cœur, » me disait-il en février dernier, en me parlant de ces Philippins pour qui il fut messager de paix et qui, en leur jargon, l’appellent toujours Sancto Taft.

A la Guerre, M. Taft n’avait pas à innover : car il avait été précédé par un homme de premier plan, M. Root, qui avait tracé la route à suivre. M. Roosevelt avait arraché le grand avocat à ses dossiers au lendemain de la guerre espagnole. Il lui avait dit :

— J’ai besoin de vous pour réorganiser l’armée.

M. Root s’était mis à l’œuvre. Et, en moins de cinq ans, il avait créé les cadres indispensables, notamment cet état-major général, que la marine américaine, en ce moment même, se plaint amèrement de ne point posséder. M. Taft continua. Au cours d’un séjour de quelques semaines à Washington, je n’ai entendu dire que du bien de son administration. Pendant ses quatre ans de Philippines, il s’était habitué d’ailleurs à collaborer avec les militaires et cette collaboration n’a pas cessé d’être cordiale. Quand, au sortir du bureau, le ministre se promenait à cheval, c’est d’ordinaire avec son chef d’état-major, le général J. Franklin Bell, qu’on le rencontrait. Aussi bien, l’administration militaire, depuis 1904, n’a pas exclusivement absorbé M. Taft. Le ministère de la Guerre américain a une compétence plus vaste que le nôtre ; on a vu qu’il s’occupait des colonies ; il s’occupe également de diverses questions qui ressortissent chez nous aux Travaux publics. De plus, grand ami du président, rompu aux besognes délicates, M. Taft a été le Maître Jacques de la politique américaine. On s’est servi de lui comme « colonial » et aussi comme négociateur. On l’a envoyé partout où surgissaient des difficultés, à Rome, à Panama, à