Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/275

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’avais passé hier toute ma journée au Musée, et fait les deux tiers à peu près de ma besogne. J’y retourne ce matin, à l’instant. A dix heures, je vais à la galerie du duc d’Arenberg où je suis attendu par le conservateur.

Il est impossible d’être plus parfaitement gracieux que ne le sont Portaëls et Gallait. Nous avons dîné hier tous les trois au restaurant, et nous sommes restés à causer les coudes sur la table jusqu’à onze heures un quart. Demain, je crois (j’en suis honteux), Portaëls organise chez lui un grand diner également en mon honneur.

Je cours au Musée...

— Au Musée du palais d’Arenberg, le conservateur (M. de Brun), très expert en fait d’art, surtout en fait de Rubens, vient de me déclarer que si je n’avais pas vu, et je n’avais pu voir, la Pêche miraculeuse de Rubens, j’avais négligé ce que la Belgique possède de plus parfait de ce grand homme.

Je déjeune quatre à quatre et je cours à Matines (trente-cinq minutes de chemin de fer par l’express). Je serai rentré à cinq heures et demie.

Je rencontre ici un empressement et des égards auxquels je suis très sensible.


A Monsieur Charles Busson[1].


Bruxelles, ce vendredi 30 juillet 1876, au matin.

Cher bon ami,

Mon voyage est fini. Je quitte Bruxelles aujourd’hui à deux heures et demie. Ce soir, un peu après neuf heures, je retrouverai mon monde, moment attendu de part et d’autre avec impatience.

Je ne suis pas fatigué et je suis très content du pays, des choses, des musées, et pas trop mécontent de moi. Je n’ai pas tout vu, tant s’en faut, mais j’ai vu l’important, et bien vu : Bruxelles à deux reprises et longuement (le Musée en vaut la peine), Anvers, la Haye, Amsterdam, Harlem, Gand, Bruges, Matines, enfin ce que les étrangers visitent et ce qu’un peintre doit étudier de très près. J’ai eu des surprises, des étonnemens,

  1. Lettre publiée par M. Louis Gonse, ouv. cité, p. 176. — Charles Busson, le paysagiste, fut un des amis les plus chers d’Eugène Fromentin.