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On se souvient du quartier de l’Étoile avec plus d’espace entre les hôtels, ou des bas côtés de l’avenue de l’Impératrice avec des dispositions plus discrètes et plus intimes. Par momens, certaines formes bizarres, des constructions plus légères, des vérandas plus amples et plus abondamment fournies de fleurs voyantes, feraient penser que Batavia devrait être ainsi, avec un autre ciel et les mêmes habitudes dans la végétation des mers de l’Inde.

On quitte la ville. Grande allée droite, sous bois. Grande allée de deux kilomètres, sombre, entièrement couverte. Au centre, la voie des voitures ; à gauche, celle des piétons. À droite, un petit chemin plus ombreux mesuré exactement sur la voie du tramway. Il y fait très frais. Personne, sauf une ou deux voitures qu’on croise et l’omnibus qui file dans l’ombre verte de son allée. De chaque côté, une épaisseur de bois. Quelque chose comme les allées du bois de Boulogne du côté des Acacias, mais plus vert, plus humide, d’une poussée plus vigoureuse et plus haute.

On sort du bois pour tomber brusquement sur le premier revers des dunes et les arbres cessent tout à coup pour faire place à ce vaste désert, onduleux, clairsemé d’herbes maigres et de sables, qui précède ordinairement les grandes plages.

Long village de Scheveningue, en pleine nudité. Beaucoup de petites maisons, toutes pareillement en briques, où je ne vois nul commerce, nulle industrie, et qui ne sont là, je crois, que pour les besoins des baigneurs. Au loin, sur la d’une même, la longue ligne des grands hôtels, chalets, casinos, à distance ayant l’ampleur, la hauteur et l’importance de palais. Des pavillons sur les toitures, des voitures stationnant dans les vastes ronds-points gazonnés ou pavés qui les précèdent. Tout cela de dimensions très vastes, conçu dans le plus grand format et pas trop noyé dans l’immense horizon des dunes.

On arrive, on traverse la ligne des chalets. On en voit alors les vraies façades, celles qui regardent la mer, et par le sable on descend lentement au flot. Il est loin ; la plage est large. Molle d’abord, elle devient ferme et douce à partir de l’étiage ordinaire des marées. Là beaucoup de monde et le plus joli spectacle par ce temps paisible et gris, sur cette arène si douce à l’œil, entre ce grand ciel et cette belle mer plate et pâle qui fuit si loin, quoique mesurée de si bas. Chevaux, ânes dans le pli des dunes