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Si j’avais été plus prévoyant, je me serais un peu bourré d’histoire avant de faire ce voyage : l’histoire locale, la comparaison des dates, me serait indispensable en m’éclairant sur une foule de points. Je connais trop vaguement la filiation de cette grande famille si nombreuse et si compliquée des peintres flamands et hollandais. En pareille étude, la descendance, la confraternité, les rapports de ville à ville, d’école locale à une autre école, sont autant de lumières.


A la même.


Anvers, jeudi soir (12 juillet 1875).

... Je commence à voir clair dans la première partie de mon sujet : Rubens. Mais entre voir clair, et rendre clairement, sans redites, sans âneries, sans erreur et de façon neuve, il y a loin, car il pourrait se faire que ce que je vois si clair, tout le monde avant moi l’eût vu de même, que mes opinions fussent celles de La Palisse, et que je découvrisse une Amérique exploitée depuis que Rubens est mort. Et cependant je ne dirai rien que d’indispensable ; j’aime mieux me taire que d’adopter sans le vouloir les idées des autres.


Anvers, lundi soir (12 juillet)[1].

Je ne m’amuse ni ne me repose. J’écris pas mal de lettres. Je sors, je rentre, je griffonne des notes, je stationne dans les églises. Je suis mouillé, je suis transi, je rentre pour tout de bon. Il fait froid... A force de tabac, j’essaie d’expulser l’ennui. Je me couche enfin, à côté d’une bougie qui flambe et me défend contre la vermine, et je m’endors en songeant que la vie est bien bête, quelquefois bien douce et qu’elle m’a comblé.


A Madame Eugène Fromentin.


La Haye, ce mardi soir 10 heures. 13 juillet 1875.

Chère amie bien-aimée.

... La vraie Hollande ne commence qu’à Bréda. Rotterdam, Vu du bateau qu’on prend pour passer d’un chemin de fer à

  1. Note de voyage inédite.