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autre, à savoir que, cette expédition une fois terminée, notre but une fois atteint, notre programme une fois rempli, nous ne songions plus qu’à la pacification du pays occupé par nos troupes, et que nous en remettions peu à peu la défense entre les mains de ses habitans. Par ce moyen seul, on arrivera à une solution dégressive de la question de la Chaouïa. Nous avons lu avec soin les instructions du général d’Amade ; elles sont de nature à conduire, si on le veut, au dénouement indiqué ; mais elles permettent, si on le préfère, de perpétuer indéfiniment l’état de choses actuel, sous prétexte que la pacification n’est pas encore assez avancée et qu’il serait dangereux de nous retirer trop vite. Ce n’est pas une critique que nous faisons : il serait dangereux, en effet, de nous retirer trop vite, et les instructions du général d’Amade ne pouvaient pas être très différentes de ce qu’elles sont ; tout dépend de l’esprit dans lequel elles seront exécutées. Nous ne doutons, au surplus, ni de la sincérité du gouvernement, ni de la correction du général d’Amade, correction dont cet officier a déjà donné des preuves très honorables pour lui. Quant au gouvernement, il est en butte à des suggestions diverses, et, si sa politique a paru quelquefois hésitante, c’est parce qu’il n’a jamais suivi les unes sans ménager les autres. Mais les derniers événemens sont si clairs que le gouvernement n’a plus désormais qu’une voie devant lui, et c’est celle que la Chambre lui a toujours demandé de suivre, lorsqu’elle lui a dit et répété que les affaires intérieures du Maroc ne le regardaient pas : cela signifie en bon français qu’il n’a pas à se prononcer entre les deux frères ennemis. Les progrès de Moulaï-Hafid ont été tels dans ces derniers temps que tout fait croire à son succès final ; mais le Maroc est la terre des surprises, et il serait prématuré de reconnaître dès maintenant Hafid comme sultan. Le dieu du Prophète ne s’est pas encore définitivement prononcé en sa faveur. Il ne faut pas, toutefois, mettre par avance à sa reconnaissance des conditions qu’en aucun cas il ne lui serait possible de remplir. Notre gouvernement se renferme dans une réserve très sage lorsqu’il fait remarquer que la solution de la question ne dépend pas de lui seul, mais bien de toutes les puissances qui étaient représentées à Algésiras et qui y ont traité avec Abd-el-Aziz. Ce précédent constitue jusqu’à nouvel ordre au profit de ce dernier un préjugé favorable, sans qu’il faille cependant en exagérer la valeur. Les puissances ont traité avec le sultan du Maroc, c’est-à-dire avec une personne qui peut changer. Mais il faut un consentement universel pour rendre le changement légitime au point de vue international. Contentons-nous de dire que