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s’est associée la Compagnie de l’Ouest ; nous ferons toutes les concessions nécessaires, nous abandonnerons au chemin de fer de l’État toutes nos lignes qui l’intéressent, nous lui donnerons deux gares à Paris, il deviendra un grand réseau comme les autres, pourvu de tous ses organes essentiels ; que voulez-vous de plus pour lui ? M. le ministre des Travaux publics a déclaré qu’il voulait la mort de la Compagnie de l’Ouest et qu’il ne se contenterait pas à moins. En vain lui a-t-on proposé encore une part plus considérable dans le partage des bénéfices de la compagnie. Tout cela n’était-il pas de bonne prise ? Sans doute, a-t-il dit, mais le rachat me donnera davantage ; il me donnera d’abord tout le réseau de l’Ouest et, en ce qui concerne la Compagnie d’Orléans, il me mettra vis-à-vis d’elle dans une situation telle que je pourrai en exiger dictatorialement tout ce que je voudrai : bon gré, mal gré, elle devra se soumettre. On peut dire du rachat de l’Ouest que c’est la guerre déclarée à la Compagnie d’Orléans. On la dénonce déjà comme l’adversaire de demain, et, si elle résiste, on la brisera à son tour.

Après l’intermède impressionnant qu’a provoqué l’initiative prise par la Compagnie d’Orléans, la discussion générale a continué. On a entendu encore plusieurs discours qui n’ont pas apporté d’argumens nouveaux, mais qui ont groupé et présenté quelquefois avec beaucoup de force ceux qu’on connaissait déjà. Tel a été, par exemple, celui de M. Boudenoot, rapporteur de la Commission des finances. M. Boudenoot a réuni tous les argumens contre le rachat comme des soldats disciplinés qu’il a conduits à un dernier assaut en masse compacte et solide. Puis des députés de la région de l’Ouest, M. de Montfort, M. Jénouvrier, sont venus protester contre le projet de loi au nom des populations qu’ils représentent, car on sait que si les électeurs du reste de la France sont indifférens au rachat, ceux des régions desservies par le chemin de fer de l’Ouest y sont résolument contraires. MM. Belhomme, Blanchier et Goirand, qui y sont favorables, n’ont pas effacé l’impression produite par les précédens orateurs. Le débat commençait à traîner ; mais on attendait un dernier discours, celui de M. Bouvier, qui devait être, avec celui de M. Prevet, la pièce maîtresse. du débat. M. Bouvier est, en effet, monté à la tribune, et l’espérance générale n’a pas été trompée.

M. Rouvier n’a pas voulu rentrer dans tout un débat qu’il considérait comme épuisé ; il a su se borner ; il s’est contenté de montrer les conséquences financières qu’aurait le rachat, s’il était voté. Le crédit public en subirait une grave atteinte. Eh quoi ! a dit M. Bouvier,