Ce sont là ses seules naïvetés. Pour le reste, elle a une maturité d’expérience et un sens positif qui Font purgée de toute humeur sentimentale. Ancienne maîtresse de Richelieu, comme tant d’autres laissée de côté, elle a accepté sans espoir de retour l’amitié qu’on lui offrait ; maintenant, déjà vieille, d’une plume détachée et comme amusée, elle renseigne celui qui a été son amant sur les faits et gestes de « ses petites femmes, » de « sa défunte poule, » de « sa petite marchande de la rue Saint-Honoré. » C’est elle qui fait les replâtrages et transmet les propositions ; elle traite l’amour en langage d’affaires : « Tâtez-vous bien ; si vous l’aimez véritablement, je ferai l’impossible pour vous raccommoder ; si, au contraire, vous n’avez pour elle qu’une fantaisie, il vaut autant finir présentement que dans deux mois. » Sur tout ce qui touche à l’amour, à la vie galante ou débauchée, elle dit tout froidement, sans indignation ni surprise, en femme qui connaît tout et que rien n’étonne plus ; et elle le dit avec une franchise de langage qui serait cynique si elle n’était d’abord indifférente : « La Mauconseil a très grand crédit auprès de d’Argenson ; apparemment faute de mieux, il couche encore avec elle. » — « Si les d’Argental avaient eu l’un et l’autre le sens commun, ils auraient profité du crédit que le cocuage leur donne sur Solard pour le gagner entièrement à mon frère. » — « Votre petite marchande de la rue Saint-Honoré triomphe et trompe tant qu’elle peut son amant ; il faut convenir qu’il le mérite bien : qui diantre a jamais placé sa confiance dans une guenipe ! cela n’est permis que quand on sort du collège. » Tout est raconté sur ce ton et avec ce sang-froid ; sa plume ne connaît aucune réserve, ni celle des idées, ni même celle des mots. Elle écrit à Richelieu : « On a fait des chansons sur l’évêque de Rennes, si ordurières qu’on n’a osé me les donner, je tâcherai pourtant de les avoir pour vous les envoyer. » Il n’y a là aucune recherche de l’obscénité pour elle-même, mais l’inconsciente impudeur d’une femme qui ne se souvient plus qu’elle l’est, et qui veut pouvoir tout entendre et tout dire.
Ce n’est pas en amour seulement qu’elle cherche à se dégager des habitudes et des préjugés féminins ; en toute chose elle tend à se viriliser. Cette femme a pour les femmes un franc mépris, et jamais homme n’a été plus dur pour elles : « On ne maîtrise les femmes qu’en les faisant parler et en les prenant par leurs paroles. Il faut espérer que celle-là ne vous estimera pas