de l’âge pour resserrer dans un salon son activité toujours tumultueuse. La mort de la marquise de Lambert qui survint vers la même époque (1733), — en lui laissant une place et un rôle disponibles, — acheva de la fixer. C’est alors seulement que le « bureau d’esprit » de la rue Saint-Honoré reçut sa constitution définitive et, en quelque sorte, officielle. Les salons étaient en ce temps-là comme des fiefs littéraires qui se transmettaient à des héritières désignées d’avance. Mme de Tencin fréquentait chez Mme de Lambert pour obtenir sa succession. Mme Geoffrin viendra chez Mme de Tencin pour « voir ce qu’elle pourra recueillir de son inventaire, » et Mme Necker se formera chez la Geoffrin pour hériter de son « royaume. » Ainsi se continuent à travers tout le siècle les mêmes traditions, sinon les mêmes idées. C’était pour Mme de Tencin une bonne fortune de succéder publiquement à une femme de haut rang et de haute distinction, que Fénelon avait honorée de son amitié et qui exerçait une autorité morale sur la société parisienne. Donc, comme dit Trublet. « après la mort de Mme de Lambert, le mardi fut chez Mme de Tencin. » Mais en passant de la rue Richelieu à la rue Saint-Honoré, le « mardi » se renouvela. Lamotte, qui avait été un des oracles de la marquise, était mort trop tôt pour être compris dans sa succession. Du salon Lambert il ne resta plus à Mme de Tencin que Fontenelle, Marivaux et Mairan, l’austère Mairan, savant authentique et déjà mûr, qui venait de s’illustrer par un Traité de l’aurore boréale. Ce trio « lambertiste » retrouva chez Mme de Tencin le dîner du mardi ; mais, pour ce jour privilégié, la nouvelle « présidente » réserva encore à quatre amis des fauteuils perpétuels autour de sa table : c’était Duclos, historien et philologue exact, plus connu aujourd’hui comme romancier mondain et observateur cynique des mœurs contemporaines ; Astruc, médecin pour dames et grands seigneurs, écrivant de gros volumes sur son art, cherchant surtout à bien placer son argent et sa fille ; De Boze, membre de l’Académie des inscriptions et numismate érudit ; Mirabaud, correct et ennuyeux traducteur de la Jérusalem délivrée... Ainsi se forma le groupe des Sept Sages, désormais la cour permanente de Mme de Tencin, cour sérieuse, point frivole, presque grave, un « respectable sénat, » comme disait Piron.
Elle mettait sa coquetterie à n’y être plus coquette, à faire oublier qu’elle était femme et à montrer à tous « une tête bien