Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/186

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

écrivit encore plusieurs lettres. Au moment de s’éloigner des êtres qui lui étaient chers, d’entrer dans l’inconnu, une émotion le gagnait ; et il recommandait à Mme de Staël de lui donner souvent des nouvelles, il remerciait tendrement Mrs Phillips de son aimable accueil, il disait à M. d’Arblay dans un billet, le dernier qui soit daté de Londres : « Adieu, mon cher d’Arblay ; je quitte votre pays jusqu’au moment où il n’appartiendra plus aux petites passions des hommes. Alors, j’y reviendrai ; non, en vérité, pour m’occuper d’affaires, car il y a longtemps que je les ai abandonnées pour jamais, mais pour voir les excellens habitans du Surrey... Je ne sais combien de temps je resterai en Amérique : s’il se référait (sic) quelque chose de raisonnable ou de stable pour notre malheureux pays, je reviendrais ; si l’Europe s’abîme dans la campagne prochaine, je préparerai en Amérique des asiles à tous nos amis. Adieu !... je vous demande et vous promets amitié pour la vie. »

Deux semaines plus tard[1], le dos tourné à l’Europe où s’enfantait dans le sang un monde nouveau, Talleyrand faisait voile vers la terre de la liberté. Au fond de son cœur, la confiance en l’avenir n’était pas morte.


BERNARD DE LACOMBE.

  1. Mal renseignée, la Gazette nationale annonçait, dans son numéro du 11 ventôse an II (1er mars 1794), que l’ « évêque d’Autun » s’était embarqué le 3 février pour la Hollande.