Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
TALLEYRAND ÉMIGRÉ

I
EN ANGLETERRE (1792-1794)

« Que faire ? écrivait mélancoliquement Talleyrand à Mme de Staël le 8 octobre 1793. Que faire ?... Attendre et dormir si l’on peut. C’est à cela que je me destine d’ici au mois de mars. » Talleyrand était fidèle à son programme. Il attendait, menant à Londres une vie discrète ; même, il dormait : il ne dormait, il est vrai, que d’un œil, l’autre entr’ouvert pour surveiller les événemens.

Talleyrand, en cet automne de 1793, était parmi les vaincus de la Révolution, parmi ses proscrits. Son nom figurait sur la terrible liste que faisait dresser la Convention[1] ; il était émigré ! Et, à cet esprit qui avait tant de ressources et de ressort, le présent apparaissait très sombre, l’avenir très menaçant. — Comment, lui, si habile à conduire sa barque à travers les écueils, en les frôlant sans les heurter, n’avait-il pu échapper à la prison ou à la guillotine que par la fuite ? Pour le comprendre, il faut remonter à plus d’une année en arrière, jusqu’au mois de juin 1792.


I

Au mois de juin 1792, Talleyrand était à Londres déjà : il y était, non pas comme émigré, mais comme ambassadeur. Le

  1. Liste générale des émigrés de toute la République (1793).