rendez-vous dans la pagode de Sittamour. Un char en bois sculpté, couvert de décors brahmaniques, voisine avec un reposoir de briques qu’allègent des arcatures mauresques. Et, sur son dôme, s’étale Vichnou entre ses deux femmes, sous le serpent qui lui sert de dais, et puis encore des Apsaras jouant du violon, et toujours des monstres pouraniques.
A toutes mes questions, les Naïnars répondent imperturbablement : « Tout cela est djaïna. » Que croire de ces gens dont la loi religieuse est telle qu’elle leur permet de laisser desservir leurs temples par des brahmes, et qu’elle leur assigne pour premier devoir de vénérer les prêtres de toutes les religions ? Si Polyeucte, d’occasion, eût manifesté son zèle indiscret dans un sanctuaire djaïna de l’Inde, la première idole qu’il aurait renversée eût peut-être été la statue de son Rédempteur... Rappelez-vous l’histoire que je vous ai contée du Saint-Michel de Pondichéry. Après tout, la pagode de Sittamour est peut-être un temple mixte, où le Djaïnisme et l’Hindouisme célèbrent à tour de rôle leurs cérémonies...
Mais placé ainsi que je le suis sous un porche d’où il est interdit de sortir, gêné par les deux colonnes qui me coupent la ligne droite, je distingue à peine l’entrée du sanctuaire. Je devine les peintures qui se déroulent sur ses parois, des figures assez grandes, très claires, des fonds historiés. De loin cela donne l’impression des fresques de Giotto, et comme masses, et comme tons, même affluence de personnages superposés. Il faut me contenter de cette vision à distance. Mes jumelles voyagent avec Cheick-Iman vers Tindivanam, et c’est bien la première fois que cet appareil d’optique me fait aussi cruellement défaut. Mais je vous le répète : le jour où l’on étudiera sérieusement les fresques indiennes, en les comparant avec celles des primitifs italiens, il y aura des surprises. Les origines seront débrouillées, la part de l’Occident sera grande, trop grande même, et l’originalité, l’antiquité surtout de l’art indien seront sévèrement sapées... Encore devra-t-on procéder avec une prudence extrême. Le peu que nous savons de la peinture, dans les grandes civilisations classiques, nous commande que cette prudence soit plus grande encore. Donnez-vous, malgré cela, le plaisir de comparer les photographies des fresques d’Ajunta avec certains tableaux d’Orcagna... pour n’en prendre qu’un, entre cent.
Les piliers octogonaux du sanctuaire m’ont semblé tous