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Genji a été, aux origines, un immense monastère djaïna enclos, tout comme ceux du Mont-Abou, et d’où l’habitation humaine était exclue. Ainsi s’explique cette insistance des écrivains à répéter qu’il n’y avait sans doute pas de ville du nom de Genji. Que cela remonte aux fabuleux monarques Pandyas ou Yadavas, peu importe, mais la tradition existe et les monumens la soutiennent. La tradition se retrouve à Sittamour de monumens djaïnas en ruines derrière ce Mélatchéry qui fut le vieux Genji des montagnes. Le mont Mérou, pierre angulaire de la cosmogonie djaïna, apparaît dès le début de la ballade radjpoute. Et du djaïnisme, les emblèmes couvrent les pierres de Genji, comme ce quatrefeuilles, ce çitala, signe du dixième Tirthamkara Çitala, comme ce lion aussi, celui de Mahavira, le grand Tirthamkara du Deccan !

Et encore la pierre en carapace de tortue, avec tous les symboles de Parassou Rama, de Rama à la hache, destructeur des tchatrias ! Celle-là indique le triomphe du brahmanisme sur le djaïnisme, des brahmes, protégés de Rama, sur les tchatrias qui étaient les djaïnas, les radjpoutes, remplacés par les souverains hindouistes de Vijianagar. Et toujours le radjpoute apparaît comme le dépouillé, comme le protestataire, le patriote. Même la ballade de Genji, si basse d’époque soit-elle et contemporaine du brahmanisme triomphant, montre encore des traces du passé djaïna. Tout s’éclaire ! La tradition confuse d’un Genji antérieur à l’hindouisme est juste en soi !…

Et m’excusant auprès du Samiar qui me surveillait avec inquiétude, je le priai de continuer. Le cher homme ne se doutait pas de l’intérêt que je prenais à ses paroles.

« Sittamour est encore aujourd’hui le chef-lieu des Naïnars de tout le Carnate et du Coromandel, de Tanjore, de Bengalore et de Bellari. Nous sommes ici très nombreux, et notre couvent de moines est prospère… Oui, nos moines observent la chasteté… L’escalier aux éléphans ?… Il est ici, nous l’achetâmes en 1875 et vous le voyez d’ici, à droite !… Nous l’avons fait restaurer et il nous a coûté fort cher… Nous avons acquis pareillement les plus belles colonnes de Genji, à la même époque… Nous disons trois offices par jour, au son de la clochette ; les fidèles sont appelés au son du tambour. Ce tambour, le voici !… Vous nous dites que c’est une timbale ?… Il se peut, car la caisse en est hémisphérique et de pièces de fer rivées. Il a quatre-vingts