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Mais ce que je crois, c’est qu’ils se rendirent ou que le commandant de la place se laissa acheter après la prise de tous les ouvrages environnans. Si pauvres soldats que fussent ces Hindous de tout culte, —-car je n’en exclus pas les Mahrattes, ou, pour mieux dire, les Pindarries, — ils étaient capables de montrer ce courage moyen qu’a tout homme armé derrière un bon mur de pierres. Cela peut être vrai pour des gens de pied, mais n’oubliez pas qu’il y avait beaucoup plus de cavaliers que de fantassins dans ces armées indiennes. Au premier temps, — c’est-à-dire quand les Français forcèrent la première enceinte par la porte de l’Ouest, — Mahrattes et Pindarries durent pousser leurs montures, par le seuil du Tchokra-Koulam et disparaître par la route de Vettavalam, vers l’Est, laissant aux piétons le soin de défendre Genji.

On objectera aussi que la cause première du désastre fut dans le petit nombre des assiégés, une dizaine de mille, environ, qui devaient couvrir plus de 12 kilomètres d’enceinte. L’argument est faible, sans jeu de mots, car l’enceinte, avec ses douves, était extrêmement forte. L’armée de MM. d’Auteuil et de Bussy comptait encore moins de combattans, et ceux-ci ne pouvaient guère, au début de l’action, tromper l’ennemi sur leurs mouvemens. La vue que l’on a du haut du Radjah-Ghiri permet de suivre un cavalier, voire un piéton, à plusieurs kilomètres dans ce pays découvert.

La vérité morale, dans cette affaire de Genji, est que la trahison était partout. Les artifices de Dupleix enserraient dans une trame subtile les acteurs du drame, et la mort de Nazzir-Sing, assassiné devant le front de son armée par le rajah de Kuddapah, allait bientôt prouver que personne n’était sûr de ses hommes non plus que du lendemain. L’histoire de l’escalade de Genji est entourée de mystère. Les rapports officiels sont vides. Les relations des contemporains, rédigées d’après des témoignages de seconde main, ne nous apprennent rien de précis. Les officiers eux-mêmes qui dirigèrent ce beau fait d’armes n’en connurent pas toutes les particularités. Rien n’est plus hasardeux, tumultueux ni perfide qu’un combat de nuit. Seuls les résultats en sont probans. On a écrit que, lorsqu’ils virent à la lumière du soleil tous ces labyrinthes fortifiés qu’ils avaient gagnés les armes à la main, les Français furent saisis d’une stupéfaction qui confinait à la crainte. Aussi, quand l’historien