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Une heure de temps, Desing ainsi pleura. Il a fait creuser une grande fosse et on y enterre Movottoucaren que sa monture veut accompagner dans la mort.

« Le cheval Nilavéni plie les genoux et se couche aux côtés de son maître. D’un coup de son épée, Desing lui ôta la vie. » Puis le rajah vole au combat. Après un affreux carnage, il se retire victorieux et s’arrête sous les murs de Genji, pour y prendre un peu de repos.

Mais voici que son cousin Tane-Sing le rejoint, et lui reproche d’avoir quitté le champ de bataille alors que le Nawab est encore en vie.

Desing remonte à cheval et, suivi de cinq cavaliers, retourne à l’ennemi. Mais le Dieu Ranganaden, dont la protection l’avait couvert, l’abandonne : « Desing, mon fils, jusqu’à présent vous avez lutté sans malheur, et vous êtes resté victorieux. Ne continuez pas aujourd’hui cette guerre funeste. Demain, vous pourrez combattre à nouveau, et je serai avec vous. »

L’obstination chez Desing n’était pas inférieure à la dévotion. Il adora Ranganaden, sans lui obéir, et répéta son éternel refrain : « La mort arrive toujours. Aujourd’hui ou demain, dans un an ou dans cent ans, toujours le moment vient de mourir. Une fois que nous avons reçu le jour, la mort nous attend à toute heure. Je pars, ô mon Ranganaden ! »

En vain le Nawab envoie à Desing des propositions de paix. Desing suit aveuglément sa vengeance. Au vrai, il ne veut point survivre à son cher Movottoucaren. C’est par le suicide que le brahme répond à une irréparable injure. Le Mogol Mohammed Shah a outragé le rajah Desing, celui-ci saura mourir. La bataille reprend âpre et sanglante. Enfin Desing joint le Nawab qui le domine du haut de son éléphant. Comme le rajah fait cabrer son cheval pour l’atteindre, le cornac, d’un coup de cimeterre, abat la jambe droite du Barassari. Et cependant l’animal divin continua durant trois heures de combattre sur trois pieds. Nouvelle rencontre avec le Nawab. Cette fois le cornac coupe la jambe gauche du cheval. Alors Desing met pied à terre ; brandissant son épée radjpoute à deux mains, il achève sa monture céleste. En furieux, il se rue au plus épais des masses ennemies. Il s’arrête enfin, regarde autour de lui, derrière. Il est seul. Tout a succombé ou disparu devant lui. Alors le rajah se mit à genoux : « Personne n’est là pour me