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note ainsi conçue : « Son Altesse Royale a vu le mémoire que le procureur Laurent a remis au père Arnaud. Elle charge ce père d’écrire au procureur de se retirer, puisque ces articles ne sont qu’un simple verbiage et une plotterie ( ? ) sans fondement qui ne convient du tout point à Son Altesse Royale[1]. »

Le ton presque insolent de cette note n’empêchait cependant point Berwick de tenter quelque temps après un nouvel effort. Au mois d’avril suivant, quelques jours après la mort de l’empereur Joseph, il adressait à Victor-Amédée, avec l’autorisation du Roi, une lettre où, après avoir déclaré « qu’il étoit inutile d’exposer à la pénétration de Son Altesse Royale le changement que la mort de l’Empereur apporte aux affaires de l’Europe, » il ajoutait : « Elle fera mieux que personne les réflexions convenables à ce grand événement, mais j’aurai l’honneur de dire à Votre Altesse Royale que, si Elle juge à propos d’en profiter, Elle trouvera toujours de très bonnes dispositions de la part du Roy[2]. » À cette nouvelle ouverture, Victor-Amédée faisait encore la sourde oreille. Sans doute, il estimait que son intérêt ne lui commandait pas encore de trahir son dernier allié et qu’il obtiendrait de meilleures conditions à la paix générale. La suite des événemens ne devait pas lui donner tort.


III

Cette même année s’ouvraient entre la France et l’Angleterre des négociations secrètes qui devaient, au commencement de l’année 1712, aboutir à la réunion dans la petite ville d’Utrecht d’un congrès où se trouvaient représentées toutes les puissances belligérantes. La France avait comme plénipotentiaires le maréchal d’Huxelles, et l’abbé de Polignac, celui-là même dont le départ précipité pour Rome avait autrefois arraché des larmes à la pauvre Duchesse de Bourgogne, et enfin le député de Rouen au Conseil du commerce Mesnager, car déjà, en ces temps, les questions commerciales commençaient à tenir leur place dans les traités. La Savoie était représentée par le comte Maffei, le comte del Borgo et le conseiller d’État Pierre Mellarede.

Ce serait dépasser les bornes de notre sujet que d’entrer dans

  1. Affaires étrangères, Corresp. Turin, vol. 116.
  2. Archives de Turin. Le maréchal de Berwick à Son Altesse Royale, 26 avril 1711. La minute de cette lettre se trouve aux Archives des Affaires étrangères.