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ses lignes. En ce qui concerne le rachat de l’Ouest, M. le ministre des Travaux publics a dit tout ce qu’il pouvait dire, et on a trouvé que c’était peu. En ce qui concerne l’Orléans, il a été plus explicite. On a déjà essayé de négocier avec cette compagnie, mais elle a eu, parait-il, le mauvais goût de ne pas céder tout de suite ce qu’on lui demandait, et, comme la négociation menaçait d’être un peu longue, le gouvernement a pensé qu’il valait mieux l’abandonner ou plutôt la suspendre jusqu’au jour où, après avoir exécuté l’Ouest, on pourrait faire sentir à la compagnie d’Orléans que le même sort l’attendait si elle résistait davantage. Ce sont là des opérations qu’on faisait autrefois sur les grandes routes : on y abordait deux voyageurs, on mettait le premier à mal, puis on se retournait vers l’autre qu’on trouvait alors plus accommodant. C’est ce que M. le ministre des Travaux publics a expliqué, en termes très élégans, au Sénat, qui a paru en éprouver un peu de gêne. Il l’a laissé sous cette impression : peut-être aurait-il mieux fait de choisir pour son discours une autre péroraison. Celle-ci a admirablement préparé les voies au rapporteur de la Commission, M. Prévet, qui, dès ses premières paroles, a été applaudi vigoureusement par la majorité de l’assemblée.

Nous ne pouvons pas analyser son discours parce que, au moment où nous écrivons, il n’en a encore prononcé que la première partie. M. Prévet est un admirable dehaier, comme disent les Anglais. Il a l’éloquence vive, nette, pressante, allant droit au fait sans habileté apparente et sans circonlocutions accessoires. Il est moins correct que M. Barthou, mais il a une prise plus forte sur son auditoire. Peut-être le doit-il à la thèse qu’il défend, et qui est celle du Sénat lui-même, celle que l’assemblée ferait sûrement triompher, si elle osait risquer une crise ministérielle. Et qui sait si elle ne l’osera pas ? Et si elle l’ose, qui sait si le gouvernement ne se montrera pas conciliant ? A l’exception des amis de M. Combes, personne au Sénat ne souhaite la chute du ministère, et, pour peu qu’il s’y prête, il serait facile de trouver une transaction honorable pour tout le monde. S’y prêtera-t-il ? Il a été bien engagé par les paroles de M. Barthou, qui a paru vouloir couper les ponts derrière lui ; mais, dans une affaire où il y a tant d’ingénieurs intéressés, ne peut-on pas toujours rétablir les ponts qu’on a coupés ? Quoiqu’elle ait duré déjà quatre longues séances, la discussion est loin d’être épuisée, et c’est à peine si, de part et d’autre, on a commencé de porter les coups décisifs. On n’a pas entendu encore M. le ministre des Finances ; on n’a pas entendu M. le président du Conseil ; on n’a pas entendu M. Bouvier qui, pris